Loi n°70-1318 du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière

Dernière mise à jour des données de ce texte : 01 septembre 2007

Version en vigueur au 03 janvier 1971
  • Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de soins est un des principes fondamentaux de notre législation sanitaire, sous réserve des dispositions prévues par les différents régimes de protection sociale, en vigueur à la date de la présente loi.

    La protection sanitaire du pays est assurée par les membres des professions de santé d'une part et par les établissements de soins, publics ou privés, qu'ils participent ou non au fonctionnement du service public hospitalier institué par la présente loi, d'autre part.

      • Le service public hospitalier est assuré :

        1° Par les établissements d'hospitalisation publics ;

        2° Par ceux des établissements d'hospitalisation privés qui répondent aux conditions définies aux articles 40, 41 et 42 de la présente loi.

        Les établissements qui assurent le service public hospitalier sont ouverts à toutes les personnes dont l'état requiert leurs services.

        Ils doivent être en mesure d'accueillir les malades, de jour et de nuit ou, en cas d'impossibilité, d'assurer leur admission dans un autre établissement appartenant au service public hospitalier.

        Ils ne peuvent établir aucune discrimination entre les malades en ce qui concerne les soins. Ils ne peuvent organiser des régimes d'hébergement différents selon la volonté exprimée par les malades que dans les limites et selon les modalités prévues par les textes législatifs et réglementaires en vigueur.

        Les établissements d'hospitalisation privés autres que ceux qui sont mentionnés ci-dessus peuvent être associés au fonctionnement du service public hospitalier en vertu d'accords conclus selon les modalités prévues à l'article 43 de la présente loi.

        Un décret pris en conseil des ministres fixe les conditions de participation du service de santé des armées au service public hospitalier.

      • Les syndicats interhospitaliers prévus à l'article 5 de la présente loi sont des établissements publics dont la création est autorisée par arrêté préfectoral.

        Un syndicat interhospitalier peut être créé dans un secteur d'action sanitaire entre deux ou plusieurs établissements assurant le service public hospitalier, sur demande de ces établissements.

        Un syndicat interhospitalier peut être créé dans une région d'action sanitaire entre le ou les centres hospitaliers régionaux et soit un ou plusieurs syndicats interhospitaliers de secteur, soit un ou plusieurs établissements assurant le service public hospitalier, sur demande des organismes intéressés.

        Tout établissement assurant le service public hospitalier est admis, sur sa demande, à faire partie du syndicat interhospitalier du secteur auquel il appartient. Tout syndicat interhospitalier de secteur et tout établissement assurant le service public hospitalier est admis, sur sa demande, à faire partie du syndicat interhospitalier de la région à laquelle il appartient.

      • Les syndicats interhospitaliers sont administrés par un conseil d'administration et, dans le cadre des délibérations dudit conseil, par un secrétaire général nommé par le ministre chargé de la santé publique, après avis du président du conseil d'administration.

        Le conseil est composé de représentants de chacun des établissements qui en font partie compte tenu de l'importance de ces établissements, aucun de ceux-ci ne pouvant détenir la majorité absolue des sièges du conseil. Il élit son président parmi ses membres. Le président de la commission médicale consultative de chacun des établissements et un représentant des pharmaciens de l'ensemble des établissements faisant partie du syndicat interhospitalier sont membres de droit du conseil d'administration. Le directeur de chacun des établissements assiste au conseil d'administration avec voix consultative.

      • Les syndicats interhospitaliers de secteur et les syndicats interhospitaliers régionaux peuvent exercer, pour tous les établissements qui en font partie ou pour certains d'entre eux, sur leur demande, toute activité intéressant le fonctionnement et le développement du service public hospitalier, notamment :

        1° La création et la gestion de services communs ;

        2° La formation et le perfectionnement de tout ou partie du personnel ;

        3° L'étude et la réalisation de travaux d'équipement ;

        4° La centralisation de tout ou partie des ressources d'amortissement en vue de leur affectation soit au financement de travaux d'équipement entrepris, soit au service d'emprunts contractés pour le compte desdits établissements ;

        5° La gestion de la trésorerie ainsi que des emprunts contractés et des subventions d'équipements obtenues par ces établissements ;

        6° La création et la gestion de nouvelles installations nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires du secteur ou de la région, dans le cadre de la carte sanitaire.

        Les attributions du syndicat sont définies par des délibérations concordantes des conseils d'administration des établissements qui en font partie.

      • Les établissements qui font partie d'un syndicat interhospitalier peuvent faire apport à ce syndicat de tout ou partie de leurs installations sous réserve d'y être autorisés par arrêté préfectoral. Cet arrêté prononce en tant que de besoin le transfert du patrimoine de l'établissement au syndicat interhospitalier.

        Après transfert des installations, les services qui s'y trouvent implantés sont gérés directement par le syndicat.

      • Lorsque tous les établissements faisant partie d'un groupement interhospitalier de secteur adhèrent au syndicat interhospitalier créé dans ce secteur, le conseil du groupement est automatiquement dissous et ses attributions sont transférées de plein droit au conseil d'administration du syndicat.

        Il en va de même pour le conseil d'un groupement interhospitalier régional lorsque tous les établissements qui en font partie adhèrent soit directement soit par l'intermédiaire d'un syndicat interhospitalier de secteur, au syndicat interhospitalier régional.

      • Un établissement peut se retirer d'un syndicat interhospitalier avec le consentement du conseil d'administration de ce syndicat. Celui-ci fixe en accord avec le conseil d'administration de l'établissement intéressé les conditions dans lesquelles s'opère le retrait.

        Les conseils d'administration de tous les établissements qui composent le syndicat sont consultés. La décision est prise par arrêté préfectoral.

      • Dans le cadre des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958, les unités d'enseignement et de recherche médico-pharmaceutiques et odontologiques ou, au cas où elles n'ont pas la personnalité morale, les universités qui agissent en leur nom, et les centres hospitaliers régionaux peuvent conclure conjointement des conventions avec les syndicats interhospitaliers ou avec des établissements du groupement interhospitalier s'ils ne font pas partie du syndicat interhospitalier.

    • Pour chaque centre hospitalier et universitaire, il est créé un comité de coordination hospitalo-universitaire où siègent notamment des représentants du centre hospitalier régional, des représentants des unités d'enseignement et de recherches médicales, odontologiques et pharmaceutiques et, le cas échéant, des syndicats interhospitaliers de secteur et des établissements assurant le service public hospitalier qui ont conclu les conventions prévues à l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958.

      Un décret fixe les conditions d'organisation et de fonctionnement du comité de coordination et les cas où son avis est requis.

      Ce comité est obligatoirement consulté sur le choix des priorités en matière d'équipement hospitalier et universitaire.

      Les conventions visées à l'article 16 entre les établissements hospitaliers et les unités d'enseignement et de recherche médico-pharmaceutiques et odontologiques ne pourront être conclus qu'après avis favorable de ce comité.

    • Dans le ressort d'une même académie, deux ou plusieurs centres hospitaliers régionaux ont la possibilité de passer convention avec la ou les unités d'enseignement et de recherche médicales de cette académie, pour la constitution d'un centre hospitalier et universitaire unique, dans le cadre des dispositions des articles premier et 2 de l'ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 et du décret n° 70-709 du 5 août 1970.

    • Les personnels médicaux des établissements nationaux de bienfaisance à caractère hospitalier situés dans une ville siège d'unités d'enseignement et de recherches médicales pourront être intégrés dans un corps de personnel hospitalo-universitaire des centres hospitaliers et universitaires, suivant les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat.

    • Les établissements d'hospitalisation publics sont tenus de communiquer le dossier des malades, hospitalisés ou reçus en consultation externe dans ces établissements, au médecin appelé à dispenser des soins à ces malades.

      Un décret pris après avis du conseil national de l'ordre des médecins précisera les conditions d'application des dispositions ci-dessus.

    • A titre provisoire, les établissements d'hospitalisation publics peuvent continuer à gérer les services créés avant la promulgation de la présente loi qui ne répondent pas à la mission du service public hospitalier défini à l'article 2 ci-dessus.

      • L'autorisation est accordée si l'opération envisagée :

        1° Répond aux besoins de la population, tels qu'ils résultent de la carte prévue à l'article 44, ou appréciés, à titre dérogatoire, selon les modalités définies au premier alinéa dudit article ;

        2° Est conforme aux normes, définies par décret, et est assortie de l'engagement de respecter la réglementation relative à la qualification des personnels.

        En aucun cas, l'autorisation ne pourra être accordée aussi longtemps que, pour la zone donnée, les besoins ainsi définis demeureront satisfaits.

        L'autorisation peut être subordonnée à des conditions particulières imposées dans l'intérêt de la santé publique ou à l'engagement pris par les demandeurs de conclure un contrat de concession pour l'exécution du service public hospitalier ou un accord d'association au fonctionnement de celui-ci selon les modalités prévues aux articles 42 et 43 de la présente loi.

        L'autorisation de dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux peut être refusée lorsque le prix prévu est manifestement hors de proportion avec les conditions de fonctionnement du service, eu égard aux normes fixées par décret en Conseil d'Etat.

      • Lorsque les prescriptions de l'article 33 ci-dessus cessent d'être respectées, ou lorsque sont constatées, dans l'établissement et du fait de celui-ci, des infractions aux lois et règlements pris pour la protection de la santé publique entraînant la responsabilité civile de l'établissement ou la responsabilité pénale de ses dirigeants, l'autorisation de fonctionner peut être soit suspendue, soit retirée. Sous réserve des dispositions prévues à l'article 37, cette suspension ou ce retrait ne peut intervenir qu'après un délai de un mois suivant une mise en demeure adressée par le préfet de région.

        Lorsque les normes sont modifiées, les établissements sont tenus de se conformer aux nouvelles normes dans un délai déterminé par décret ; ce délai court à compter de la mise en demeure qui leur est adressée.

        L'autorisation de dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux peut être retirée lorsque le prix pratiqué est manifestement hors de proportion avec les conditions de fonctionnement du service, au sens de l'article 33.

        Les mesures de suspension ou de retrait sont prises selon les modalités prévues à l'article 34 ci-dessus. Elles ne font pas obstacle à d'éventuelles poursuites judiciaires.

      • Toute personne qui ouvre ou gère un établissement sanitaire privé ou installe dans un établissement privé concourant aux soins médicaux des équipements matériels lourds en infraction aux dispositions des articles 31 et 33 ci-dessus est passible d'une amende de 5.000 à 40.000 F.

        Est passible de la même peine toute personne qui passe outre à la suspension ou au retrait d'autorisation prévus aux articles 36 et 37 ci-dessus.

        En cas de récidive, la peine prévue au présent article est portée au double et peut être assortie de la confiscation des équipements installés sans autorisation.

      • La comptabilité des établissements d'hospitalisation privés doit être mise, sur demande, à la disposition exclusive de l'administration habilitée à donner son accord sur la détermination du prix de journée.

      • Les établissements d'hospitalisation privés participent dans les conditions prévues aux articles 41 et 42 ci-après, sur leur demande ou sur celle de la personne morale dont ils dépendent, à l'exécution du service public hospitalier, sous réserve qu'ils s'engagent à respecter les obligations de service imposées aux établissements d'hospitalisation publics de même nature par les dispositions des articles 2 et 3 de la présente loi.

        Les établissements d'hospitalisation privés assurant l'exécution du service public hospitalier sont assimilés aux établissements publics en ce qui concerne l'accès des assurés sociaux et des personnes bénéficiaires de l'aide sociale.

        Les dispositions de l'article 28 sont applicables à ces établissements.

        La liste des établissements qui remplissent les conditions prévues au présent article est établie par décret.

      • Les établissements d'hospitalisation privés, autres que ceux visés à l'article 41, peuvent conclure avec l'Etat des contrats de concession pour l'exécution du service public hospitalier.

        Ces contrats comportent :

        1° De la part de l'Etat, l'engagement de n'autoriser ou de n'admettre, dans une zone et pendant une période déterminée, la création ou l'extension d'aucun autre établissement ou service d'hospitalisation de même nature aussi longtemps que les besoins déterminés par la carte sanitaire demeurent satisfaits ;

        2° De la part du concessionnaire, l'engagement de satisfaire aux obligations définies à l'article 40 ci-dessus. L'établissement concessionnaire conserve son individualité et son statut propre pour tout ce qui concerne sa gestion.

        Ces contrats sont approuvés selon les modalités prévues à l'article 34 ci-dessus.

        Ces concessionnaires ne peuvent recevoir de subventions d'équipement.

    • Sont considérés comme équipements matériels lourds au sens de la présente loi les équipements mobiliers destinés à pourvoir soit au diagnostic, à la thérapeutique ou à la rééducation fonctionnelle des blessés, des malades et des femmes enceintes, soit au traitement de l'information et qui ne peuvent être utilisés que dans des conditions d'installation et de fonctionnement particulièrement onéreuses ou pouvant entraîner un excès d'actes médicaux. La liste de ces équipements est établie par décret en Conseil d'Etat.

    • La carte sanitaire sert de base aux travaux de planification et de programmation des équipements relevant des établissements qui assurent le service hospitalier ainsi qu'aux autorisations prévues à l'article 31 de la présente loi.

      Tout refus d'autorisation prévu à l'article 31 ci-dessus motivé par l'existence d'un programme susceptible de couvrir les besoins définis par la carte sanitaire est réputé caduc si ledit programme n'a pas fait l'objet d'un commencement d'exécution dans un délai de :

      Six ans s'il s'agit d'un établissement public ;

      Deux ans s'il s'agit d'un établissement privé.

      L'autorisation est alors accordée de plein droit, sous réserve des dispositions de l'article 33 ci-dessus, à l'auteur de la demande s'il la confirme.

    • Sont soumis à l'approbation les programmes et les projets de travaux relatifs à la création, à l'extension ou à la transformation des établissements d'hospitalisation publics ainsi qu'à l'installation dans ces établissements d'équipements matériels lourds au sens de l'article 46 de la présente loi.

      Seules peuvent être approuvées les réalisations correspondant à des équipements prévus sur la carte sanitaire.

      • Les soins dispensés dans les établissements d'hospitalisation publics et privés représentent pres de 40% des dépenses de santé, soit environ 2% du produit national brut. Les hôpitaux publics consomment à eux seuls la moitié des produits et des fournitures utilisés par les collectivités locales et les organismes qui en dépendent. Ils occupent plus de 300000 agents. Leurs immobilisations, en valeur nette, sont de l'ordre de 10 milliards de francs.

        C'est pour assurer la meilleure utilisation de ces moyens financiers et de ces facteurs de production que le Gouvernement a envisagé depuis plusieurs années une réforme hospitalière.

        Les défauts de la situation actuelle commandent les solutions proposées dont certaines nécessitent l'intervention du Parlement, alors que d'autres relèvent du pouvoir réglementaire.



        *Nota : Loi 91-748 du 31 juillet 1991 art. 33 : dans les dispositions législatives, les mots "établissements publics de santé" sont substitués aux mots "établissements d'hospitalisation publics" et les mots "établissements de santé privés" sont substitués aux mots "établissements d'hospitalisation privés".*

      • I

        La situation actuelle est caractérisée par la juxtaposition d'établissements publics, qui relèvent dans leur grande majorité des communes et d'établissements privés, les uns à but desintéréssé, les autres à but lucratif. Bien que les frais d'exploitation des uns et des autres soient couverts pour l'essentiel par les remboursements de la sécurité sociale, il n'existe entre eux aucun lien fonctionnel. Leur implantation ne relève d'aucun plan d'ensemble, leur gestion n'obéit pas à des normes communes. Ceux qui répondent à des fins commerciales concurrencent ceux qui assurent un service public. Dans ces conditions, on ne peut espérer ni doter la France d'un équipement sanitaire rationnel, ni dispenser aux Francais des soins hospitaliers au meilleur coût.

        1. Les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif ont été créés au gré des fondations charitables. Les premiers se sont développés sous l'impulsion des municipalités, à une époque ou ils n'étaient ouverts qu'aux deshérités justiciables des lois d'assistance. Leur repartition n'a pu suivre l'évolution démographique : c'est ainsi que le coefficient lits-population pour les hôpitaux généraux varie de 3,15 a 6,77 pour mille selon les régions, dans une proportion plus grande selon les départements. Dans beaucoup d'agglomérations naissantes aucune réalisation n'est envisagée, faute d'initiative locale. Leurs moyens restent souvent en-deça des nécessités techniques: on compte trop de petits établissements, insuffisamment pourvus en materiel et ou la permanence des soins ne peut être assurée. Malgré des progrês certains, leurs installations d'accueil et d'hébergement ne correspondent pas toujours aux désirs d'une clientèle élargie à l'ensemble de la population.

        Les maisons de santé à but lucratif ne complètent qu'imparfaitement le dispositif hospitalier public. Elles s'installent dans la plupart des cas non pas dans des zones sous-equipées mais dans le voisinage des hôpitaux. Elles sont spécialisées dans certaines disciplines, notamment la chirurgie, la maternité, la convalescence et la réadaptation fonctionnelle. Enfin, leur dimension moyenne, bien qu'elle tende à s'accroitre, est toujours inférieure à celle requise d'un établissement pluridisciplinaire appelé à desservir une circonscription même limitée.

        2. Les conditions de fonctionnement des établissements d'hospitalisation publics témoignent de leur isolement et du caractère assez ambigu de leur régime juridique. Sans doute un décret de 1959 a-t-il tenté de les classer selon la nature et l'importance des services qu'ils peuvent rendre. Mais ce classement n'établit entre eux aucune hiérarchie fonctionnelle, ni même aucune relation systématique. Leur autonomie est d'ailleurs tantot excessive, tantot insuffisante : ils fixent librement leurs objectifs, mais ne peuvent agir sans l'accord préalable des autorités de tutelle. Dans la majorité d'entre eux les responsabilités sont partagées entre un organe déliberant conçu pour administrer un service d'assistance et une direction aux pouvoirs mal définis. Le corps médical, ordonnateur de fait d'une fraction importante des dépenses, n'est pas suffisamment associé aux responsabilités de la gestion.

        Ces établissements, auxquels manquent tous les attributs d'une entreprise maitresse de son devenir, subissent la concurrence des maisons de santé. Celle-ci est d'autant plus forte qu'une partie du corps médical exerce simultanément dans les deux secteurs. Elle aboutit parfois à une sous-occupation des capacités hospitalières, génératrice de déficits que les organismes payeurs doivent supporter.



        *Nota : Loi 91-748 du 31 juillet 1991 art. 33 : dans les dispositions législatives, les mots "établissements publics de santé" sont substitués aux mots "établissements d'hospitalisation publics".*

      • II

        Il n'est pas possible de remédier à cette situation par des mesures de détail. Certaines réformes institutionnelles s'imposent, qui concernent, d'une part, les modalités d'implantation et de fonctionnement des maisons de santé à but lucratif.

        1. La mise en place d'un véritable service public de l'hospitalisation à pour but de substituer à la balkanisation actuelle un dispositif rationnel destiné à couvrir progressivement l'essentiel des besoins sanitaires du pays. Ce service groupera les établissements publics et, sous certaines conditions, les établissements privés à but non lucratif ou même à but lucratif, les uns et les autres pouvant conserver leur individualité et leur statut propre. Des services sanitaires non personnalisés tels que les dispensaires y seront, le cas échéant, integrés.

        Cette réforme hospitalière doit être en même temps l'occasion d'améliorer les conditions de la médecine préventive. Il est nécessaire de faire participer plus largement les hôpitaux aux différentes actions dans ce domaine, qui doivent être mieux coordonnées entre elles et plus étroitement liées aux actions curatives.

        A cette fin, certains hôpitaux pourront être chargés d'organiser et de coordonner les actions préventive, définies et approuvés à l'échelon departemental.

        Des médecins hospitaliers, engagés à plein temps, auront à la fois des activités intra-hospitalières, payées par l'hôpital, et des activités extra-hospitalières de médecine préventive payées par les collectivités interessées. Toutes ces actions préventives et curatives devront être réalisées en coopération avec les organismes existants et les médecins du secteur privé dont le rôle das ce domaine est essentiel.

        Ce service sera organisé aux deux niveaux du secteur et de la région. Le secteur, inspiré de l'expérience tentée depuis une dizaine d'années pour la lutte contre les maladies mentales, couvrira une population de 50000 à 200000 habitants. Les établissements implantés sur son territoire devront offrir aux usagers tous les moyens de prévention, de diasgnostic et de soins à l'exception de ceux qui relèvent de la médecine de pointe . Ces derniers seront réunis au niveau de la région, dans le cadre du centre hospitalier regional. C'est à ce même niveau que la coordination entre les secteurs sera assurée, grâce notamment à la programmation de cure et de repos prolongés ainsi que quelques établissements de soins hautement spécialisés qui desservent plus qu'une région pourront n'être pas sectorisés.

        En outre le projet de loi prévoit la possibilité d'établir des règles spéciales pour certains services ou organismes hospitaliers publics de très haute technicité tant pour éviter leur développement anarchique, que pour faciliter leur fonctionnement sans que certains frais correspondant à des techniques de pointe en voie d'élaboration pèsent exagérement sur les organismes de sécurité sociale.

        Imposer la réalisation de cette constellation hospitalière n'est guère concevable. Aussi le projet procède-t-il par voie d'incitation. Sans doute prévoit-il que les établissements desservant un même secteur formeront un groupement interhospitalier et que dans chaque région, le centre hospitalier régional et les groupements interhospitaliers de secteurs formeront un groupement interhospitalier régional.

        Mais ces groupements, dont la constitution sera obligatoire, ne seront que des lieux de rencontre et ne disposeront pas de la personnalité morale. En facilitant la concertation, ils prépareront la création de syndicats interhospitaliers auxquels les établissements adhèreront librement, mais qui auront des attributions propres. Celles-ci pourront aller de la gestion des services communs à la réalisation de travaux d'équipement pour le compte de leurs membres.

        Le statut des établissements d'hospitalisation publics reçoit quelques aménagements. Ces établissements sont repartis en deux catégories selon leur vocation fonctionnelle ; diagnostic et soins aux malades aigûs avec ou sans hébergement ; traitements nécessitant un hébergement prolongé. D'autre part, les compétences respectives de l'organe déliberant et du directeur sont mieux définies. Le conseil d'administration délibère sur les questions essentielles - budget, emprunts, grands travaux, affaires patrimoniales, conventions - et il est tenu régulierement informé par le directeur qui reste toujours responsable de la marche courante de l'établissement.

        Enfin le conseil d'administration voit sa composition modifiée de manière à associer également à la gestion les élus, les représentants de la sécurité sociale et enfin le personnel médical et non médical. Pour les centres hospitaliers universitaires il est egalement prévu d'y adjoindre des personnes qualifiées.

        Il a de même paru nécessaire d'associer plus efficacement le corps médical hospitalier à la politique générale et à la gestion de l'établissement.

        Non seulement la représentation des praticiens au sein du conseil d'administration sera améliorée, mais également leur information est mieux assurée par l'intermédiaire de la commission médicale consultative dont le rôle est affirmé, puisqu'elle devra être obligatoirement consultée sur tous les problêmes budgétaires ainsi que sur l'organisation, le fonctionnement et les résultats d'exploitation des services médicaux.

        Procédant du même esprit, il était indispensable de prévoir une véritable participation du personnel au devenir de l'hopital.

        Cette participation se situe au niveau du conseil d'administration dont la composition sera précisée par décret, mais aussi au plan du comité technique paritaire, organe consultatif appelé à émettre un avis sur les questions essentielles touchant à l'organisation et au fonctionnement des services.

        La création de cet organisme venant d'être recemment consacree par un texte législatif particulier, il appartiendra au decret, dans l'esprit de la présente loi et sans qu'il soit nécessaire d'en réaffirmer ici l'existence, d'en fixer les exactes attributions.

        Le service public hospitalier devenant le pivot du systême de santé doit cesser d'apparaitre comme un monde clos pour devenir le lieu de rencontre de tout le corps médical.

        Le texte prévoit donc, sous certaines conditions, la possibilité, pour chaque praticien de ville d'avoir sa blouse à l'hôpital afin de pouvoir y suivre, en accord avec le médecin hospitalier chef de service et sous la responsabilite de ce dernier, le traitement de son malade.

        2. Le projet entend assurer la complémentarité de l'équipement hospitalier public et de l'équipement privé. La procédure dite de coordination instituée en 1958 et remaniée en 1967 ne peut atteindre ce but: la commission nationale de coordination examine les demandes des promoteurs coup par coup , sans pouvoir se réferer à un plan d'équipement préétabli ; les textes lui imposent d'apprécier le bien-fondé de ces demandes en fonction des besoins locaux mesurés d'après des normes abstraites. La puissance publique n'a aucun moyen pour susciter ni pour orienter les initiatives.

        Une politique d'équipement suppose que soient définies à priori la nature et l'importance des installations nécessaires. C'est l'objet de la carte des besoins sanitaires dont la nécessité a été maintes fois rappelée. Ce document, qui ne peut être préparé qu'au niveau régional, après consultation des conseils et instances locaux, ne sera utile que si la loi lui confère une valeur impérative, comparable à celle d'un plan d'urbanisme.

        Bien entendu, il sera périodiquement révisé. Seuls pourront être pris en considération les projets de création ou d'extension d'établissements publics ou privés qui répondront aux besoins mentionnés sur la carte. Cette politique de coordination ne s'appliquera pas seulement aux réalisations immobilières, mais aussi aux équipements matériels lourds dont le développement ne peut se faire de façon anarchique sans risque grave pour la sécurité sociale.

        L'autorisation donnée aux établissements privés pourra être subordonnée à certaines conditions, notamment à l'accueil de tous les malades d'une zone déterminée. Ces conditions seront inscrites dans un cahier des charges comparable à ceux qui sont établis pour les concessions de service public.

        L'autorisation sera accordée par le préfet de région après avis d'une commission présidée par un magistrat et comprenant les représentants de toutes les parties intéressées. Un recours sera possible devant le ministre qui statuera après avis d'une commission nationale. Pour certains établissements dont le recrutement s'étend au-delà de la région, la demande sera portée directement devant le ministre.

        Ces dispositions ne visent que les établissements à caractère sanitaire. Mais comme il est impossible de laisser en dehors de toute coordination les établissements à caractère social, il est prévu que dans l'attente d'une loi les réglementant spécialement, ces dispositions s'appliqueront provisoirement à eux.



        *Nota : Loi 91-748 du 31 juillet 1991 art. 33 : dans les dispositions législatives, les mots "établissements publics de santé" sont substitués aux mots "établissements d'hospitalisation publics".*

      • 3. Plusieurs dispositions tendent à clarifier et à normaliser les relations entre les maisons de santé à but lucratif, d'une part, l'Etat, les établissements d'hospitalisation publics et les caisses d'assurance maladie, d'autre part.

        L'Administration, comme les organismes de sécurité sociale, n'a qu'une connaissance insuffisante des coûts de l'hospitalisation privée à but lucratif. Dés lors, les tarifs de responsabilité et les tarifs conventionnels ne peuvent être fixés sur des bases certaines. En particulier, la mise en oeuvre des dispositions de l'ordonnance n° 67-829 du 27 septembre 1967, d'après lesquelles ces tarifs doivent être désormais établis à partir des couts réels sont difficilement applicables. Il importe donc d'imposer aux établissements en cause le respect d'un plan comptable et la communication de leur comptabilité.

        L'un des facteurs, de nature à fausser , dans certains cas, la concurrence entre les deux secteurs résulte de la présence au sein du corps médical des hôpitaux publics de praticiens qui exercent en même temps une activité privée. Dés lors, c'est vers la généralisation du service à temps plein qu'il faut s'orienter, au moins pour les disciplines majeures. Pour la faciliter, le projet prévoit qu'à l'avenir, les praticiens qui ne consacrent qu'une partie de leur activité au service public seront recrutés par périodes de cinq années renouvelables.

        Il est apparu enfin nécessaire d'unifier les procédures préalables à l'ouverture des maisons de santé et à la possibilite d'y recevoir des assurés sociaux. L'autorisation qui sera donnée en une seule fois interviendra pour chaque maison de santé après examen tant des besoins sanitaires qu'elle satisfait que de garanties qu'elle offre aux malades. Accessoirement, la loi précise que les refus et retraits d'autorisation de dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux peuvent être fondés sur la méconnaissance des tarifs et des obligations à l'égard des caisses d'assurance maladie, ce que les textes actuels interdisent, comme l'a reconnu la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE 24 mars 1950, Terregrosa, Lebon, p194). Il va de soi qu'une telle disposition n'a pour but que de prévenir les abus manifestes et que les décisions seront toujours prises sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir.

        Par contre, les maisons de santé pourront, dans certaines conditions, bénéficier des services communs crées par les syndicats interhospitaliers. D'une manière plus générale, le service public de l'hospitalisation devra dispenser une assistance technique aux praticiens généralistes. Celle-ci se concrétisera notamment, dés lors que le développement de l'informatique le permettra, par la tenue des dossiers de santé de la population dans le cadre du secteur.

        4. Enfin, le principe est posé d'une participation de l'Etat aux charges entrainées par la formation des personnels sanitaires, qui pèse à l'heure actuelle sur le prix de journée.



        *Nota : Loi 91-748 du 31 juillet 1991 art. 33 : dans les dispositions législatives, les mots "établissements publics de santé" sont substitués aux mots "établissements d'hospitalisation publics" et les mots "établissements de santé privés" sont substitués aux mots "établissements d'hospitalisation privés".*

      • III

        Les mesures ainsi resumees sont les seules qui relevent de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution. Elles seront completees par une serie de dispositions reglementaires qui concernent notamment :

        - la composition des conseils d'administration

        - les conditions dans lesquelles est assuree la presidence du conseil d'administration pour les etablissements autres que les etablissements communaux et les etablissements departementaux pour lesquels la presidence de droit du maire ou du president du conseil general est prescrite par la loi

        - l'association des praticiens hospitaliers a la gestion de leur service

        - la reorganisation de la tutelle en vue de substituer au systeme de l'autorisation prealable un controle a posteriori portant sur l'efficacite et la regularite de la gestion

        - le renforcement quantitatif et qualitatif du personnel de direction

        - la mise en place d'ingenieurs et de techniciens hospitaliers ; c'est en particulier pour eux et en attendant que pour chaque categorie soit elabore un statut de titulaire qu'est prevue la possibilite d'un recrutement sur contrat

        - la simplification et l'harmonisation des systemes de tarification et l'acceleration des procedures de construction par la poursuite de la deconcentration et la mise en oeuvre d'une politique d'industrialisation

        - la mise au point de moyens nouveaux et plus souples pour mobiliser les ressources necessaires au financement des equipements

        Certaines de ces mesures, a l'etude depuis de longs mois, pourront intervenir rapidement. Mais sur bien des points, des experiences devront etre tentees dans plusieurs etablissements et, demain, dans plusieurs secteurs, avant l'adoption de formules susceptibles d'etre generalisees. C'est donc pas a pas et avec beaucoup de souplesse que la reforme hospitaliere, dont le projet ci-joint constituera la premiere etape, sera mise en oeuvre au cours des prochaines annees

Le Président de la République, GEORGES POMPIDOU.

Le Premier ministre, JACQUES CHABAN-DELMAS.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, RENE PLEVEN.

Le ministre de l'intérieur, RAYMOND MARCELLIN.

Le ministre de l'économie et des finances, VALERY GISCARD D'ESTAING.

Le ministre de l'éducation nationale, OLIVIER GUICHARD.

Le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des départements et territoires d'outre-mer, HENRY REY.

Le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale, ROBERT BOULIN.

[*Nota : Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 7 III : abroge la loi 70-1318 sauf les articles 25 et 50.*]

Sénat :

Projet de loi n° 365 (1969-1970) ;

Rapport de M. Blanchet, au nom de la commission des affaires sociales, n° 40 (1970-1971) ;

Discussion et adoption le 4 novembre 1970.

Assemblée nationale :

Projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1430 ;

Rapport de M. Peyret, au nom de la commission des affaires culturelles (n° 1481) ;

Discussion les 3 et 4 décembre 1970 ;

Adoption le 4 décembre 1970.

Sénat :

Projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, n° 85 (1970-1971) ;

Rapport de M. Blanchet, au nom de la commission des affaires sociales, n° 91 (1970-1971) ;

Discussion et adoption le 14 décembre 1970.

Assemblée nationale :

Projet de loi, modifié par le Sénat, n° 1541 ;

Rapport de M. Peyret, au nom de la commission des affaires culturelles (n° 1545) ;

Discussion et adoption le 16 décembre 1970.

Assemblée nationale :

Rapport de M. Peyret, au nom de la commission mixte paritaire (n° 1558) ;

Discussion et adoption le 18 décembre 1970.

Sénat :

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale ;

Rapport de M. Blanchet, au nom de la commission mixte paritaire, n° 136 (1970-1971) ;

Discussion et adoption le 18 décembre 1970.

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