Loi n°68-978 du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur

Dernière mise à jour des données de ce texte : 22 juin 2000

Version en vigueur au 13 novembre 1968
    • Les universités et les établissements auxquels les dispositions de la présente loi seront étendues ont pour mission fondamentale l'élaboration et la transmission de la connaissance, le développement de la recherche et la formation des hommes.

      Les universités doivent s'attacher à porter au plus haut niveau et au meilleur rythme de progrès les formes supérieures de la culture et de la recherche et à en procurer l'accès à tous ceux qui en ont la vocation et la capacité.

      Elles doivent répondre aux besoins de la nation en lui fournissant des cadres dans tous les domaines et en participant au développement social et économique de chaque région. Dans cette tâche, elles doivent se conformer à l'évolution démocratique exigée par la révolution industrielle et technique.

      A l'égard des enseignants et des chercheurs, elles doivent assurer les moyens d'exercer leur activité d'enseignement et de recherche dans les conditions d'indépendance et de sérénité indispensables à la réflexion et à la création intellectuelle.

      A l'égard des étudiants, elles doivent s'efforcer d'assurer les moyens de leur orientation et du meilleur choix de l'activité professionnelle à laquelle ils entendent se consacrer et leur dispenser à cet effet, non seulement les connaissances nécessaires, mais les éléments de la formation.

      Elles facilitent les activités culturelles, sportives et sociales des étudiants, condition essentielle d'une formation équilibrée et complète.

      Elles forment les maîtres de l'éducation nationale, veillent à l'unité générale de cette formation - sans préjudice de l'adaptation des diverses catégories d'enseignants à leurs tâches respectives - et permettent l'amélioration continue de la pédagogie et le renouvellement des connaissances et des méthodes.

      L'enseignement supérieur doit être ouvert aux anciens étudiants ainsi qu'aux personnes qui n'ont pas eu la possibilité de poursuivre des études afin de leur permettre, selon leurs capacités, d'améliorer leurs chances de promotion ou de convertir leur activité professionnelle.

      Les universités doivent concourir, notamment en tirant parti des moyens nouveaux de diffusion des connaissances, à l'éducation permanente à l'usage de toutes les catégories de la population et à toutes fins qu'elle peut comporter.

      D'une manière générale, l'enseignement supérieur - ensemble des enseignements qui font suite aux études secondaires - concourt à la promotion culturelle de la société et par là même à son évolution vers une responsabilité plus grande de chaque homme dans son propre destin.

    • Les universités, ainsi que les institutions régionales et nationales prévues au titre II, prennent, dans le cadre défini par les pouvoirs publics, les initiatives et les dispositions nécessaires pour organiser et développer la coopération universitaire internationale, notamment avec les universités partiellement ou entièrement de langue française. Des liens particuliers doivent être établis avec les universités des Etats membres de la Communauté économique européenne.

    • Les universités sont des établissements publics à caractère scientifique et culturel, jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Elles groupent organiquement des unités d'enseignement et de recherche pouvant éventuellement recevoir le statut d'établissement public à caractère scientifique et culturel et des services communs à ces unités. Elles assument l'ensemble des activités exercées par les universités et les facultés présentement en activité, ainsi que, sous réserve des dérogations qui pourront être prononcées par décret, par les instituts qui leur sont rattachés.

      Lorsque les unités d'enseignement et de recherche ne constituent pas des établissements publics, elles bénéficient des possibilités propres de gestion et d'administration qui résultent de la présente loi et des décrets pris pour son application.

      Des décrets, pris après avis du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, fixent la liste des établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre de l'éducation nationale auxquels les dispositions de la présente loi seront étendues avec les adaptations que pourra imposer, pour chacun d'eux, la mission particulière qui lui est dévolue. Des décrets déterminent ceux de ces établissements qui seront rattachés aux universités.

    • Une ou plusieurs universités peuvent être créées dans le ressort de chaque académie.

      Les universités sont pluridisciplinaires et doivent associer autant que possible les arts et les lettres aux sciences et aux techniques. Elles peuvent cependant avoir une vocation dominante.

    • Plusieurs universités peuvent créer des services ou organes d'intérêt commun. Ces créations sont approuvées par le ministre de l'éducation nationale après avis du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les délibérations instituant ces services ou organes sont assimilées aux délibérations d'ordre statutaire.

    • Il est institué, sous la présidence du ministre de l'éducation nationale, un conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche qui comprend des représentants élus des universités, des représentants élus des établissements d'enseignement supérieur et de recherche indépendants de ces universités et, pour un tiers, des personnalités extérieures représentant les grands intérêts nationaux.

      Les enseignants et les étudiants représentant les universités et les établissements à caractère scientifique et culturel relevant du ministre de l'éducation nationale sont élus au scrutin secret et en collèges distincts par les enseignants et par les étudiants membres des conseils d'université et des conseils d'établissement.

      Un décret fixe la composition du conseil national ainsi que les conditions de désignation de ses membres.

      Le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche :

      1. Prépare la planification de l'enseignement supérieur et de la recherche en liaison avec les organismes chargés des plans périodiques nationaux, compte tenu de ceux-ci et en vue d'une prospective à plus long terme ;

      2. Est saisi pour avis des programmes et des demandes de crédits des universités et des autres établissements d'enseignement supérieur relevant du ministre de l'éducation nationale ; est obligatoirement consulté sur la répartition des dotations budgétaires entre les différents établissements ;

      3. Donne son avis au ministre de l'éducation nationale sur les oppositions formées par les recteurs, conformément à l'article 10 ci-après, aux délibérations des conseils des établissements ;

      4. Fait toutes propositions et donne tous avis sur les mesures relatives à l'harmonisation des statuts des différents établissements publics à caractère scientifique et culturel et assume une mission générale de coordination entre les universités et les autres établissements ;

      5. Fait toutes propositions et donne tous avis sur les mesures relatives aux conditions d'obtention des diplômes nationaux relevant du ministre de l'éducation nationale et à l'établissement de règles communes pour la poursuite des études.

      Le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche exerce les attributions actuellement dévolues au conseil de l'enseignement supérieur. Il peut siéger par sections et s'entourer de l'avis de commissions correspondant à des disciplines diverses.

    • Les établissements publics à caractère scientifique et culturel et les unités d'enseignement et de recherche groupées par ces établissements déterminent leurs statuts, leurs structures internes et leurs liens avec d'autres unités universitaires, conformément aux dispositions de la présente loi et de ses décrets d'application.

      Les délibérations d'ordre statutaire sont prises à la majorité des deux tiers des membres composant les conseils.

      Les statuts des unités d'enseignement et de recherche sont approuvés par le conseil de l'université dont elles font partie.

    • Les fonctions de recteur d'académie sont incompatibles avec celles de président d'un établissement public à caractère scientifique et culturel et avec celles de directeur d'une unité d'enseignement et de recherche.

      Les fonctions de président d'un établissement public à caractère scientifique et culturel sont incompatibles avec celles de directeur d'une unité d'enseignement et de recherche.

    • En cas de difficulté grave dans le fonctionnement des organes statutaires ou de défaut d'exercice de leurs responsabilités, le ministre de l'éducation nationale peut prendre, à titre exceptionnel, toutes dispositions nécessaires ; il consulte le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche au préalable, ou, en cas d'urgence, l'informe dès que possible. Dans ces mêmes cas, le recteur a qualité pour prendre toutes mesures conservatoires.

    • Les établissements publics à caractère scientifique et culturel et les unités d'enseignement et de recherche groupées dans ces établissements déterminent leurs activités d'enseignement, leurs programmes de recherche, leurs méthodes pédagogiques, les procédés de contrôle et de vérification des connaissances et des aptitudes sous la réserve des dispositions de la présente loi, des statuts des personnels appelés aux fonctions d'enseignement et de recherche et des règlements établis après consultation du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche.

    • Le ministre de l'éducation nationale et les universités prennent, chacun en ce qui le concerne, toutes dispositions en liaison avec les organismes nationaux, régionaux et locaux qualifiés pour informer et conseiller les étudiants sur les possibilités d'emploi et de carrière auxquels leurs études peuvent les conduire.

      Les universités et ces organismes qualifiés prennent également toutes dispositions, dans le respect de leur mission fondamentale, pour une adaptation réciproque des débouchés professionnels et des enseignements universitaires dispensés.

    • Les universités pourvoient à l'organisation de l'éducation permanente dans les unités d'enseignement et de recherche qu'elles groupent, dans les établissements qui leur sont rattachés et dans les services qu'elles créent à cet effet. Cette activité est organisée en liaison avec les collectivités régionales et locales, les établissements publics et tous autres organismes concernés.

    • Les établissements publics à caractère scientifique et culturel disposent, pour l'accomplissement de leur mission, des équipements, personnels et crédits qui leur sont affectés par l'Etat. Ils disposent en outre d'autres ressources, provenant notamment de legs, donations et fondations, rémunérations de services, fonds de concours et subventions diverses.

    • Les personnels affectés par l'Etat aux universités et aux établissements qui leur sont rattachés doivent, sous réserve de leur statut particulier, avoir été déclarés aptes, par une instance nationale, à exercer les fonctions pour lesquelles ils sont recrutés.

      L'examen des questions individuelles relatives au recrutement et à la carrière des personnels relève, dans chacun des organes compétents, des seuls représentants des enseignants et personnels assimilés d'un rang au moins égal à celui de l'intéressé. Nul ne peut être élu pour plus de six ans, ni immédiatement réélu dans les organismes à compétence nationale appelés à cet examen.

    • Les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions de la présente loi, les principes d'objectivité et de tolérance.

    • Les étudiants disposent de la liberté d'information à l'égard des problèmes politiques, économiques et sociaux, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d'enseignement et de recherche, qui ne prêtent pas à monopole ou propagande et qui ne troublent pas l'ordre public.

      Les locaux mis à cette fin à la disposition des étudiants seront, dans la mesure du possible, distincts des locaux destinés à l'enseignement et à la recherche. Ils seront extérieurs aux enceintes hospitalières. Les conditions de leur utilisation seront définies après consultation du conseil et contrôlées par le président de l'établissement ou par le directeur de l'unité d'enseignement et de recherche.

    • Les présidents des établissements et les directeurs des unités d'enseignement et de recherche sont responsables de l'ordre dans les locaux et enceintes universitaires. Ils exercent cette mission dans le cadre des lois, des règlements généraux et du règlement intérieur de l'établissement.

      Toute action ou provocation à une action portant atteinte aux libertés définies à l'article précédent ou à l'ordre public dans l'enceinte universitaire est passible de sanctions disciplinaires.

      Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application du présent article.

    • Le pouvoir disciplinaire est exercé à l'égard des enseignants en premier ressort par les conseils d'universités ou par ceux des établissements publics à caractère scientifique et culturel indépendants des universités, et en appel par le conseil supérieur de l'éducation nationale.

      Les conseils statuant en matière juridictionnelle sont constitués par une section disciplinaire dont les membres sont élus en leur sein par les représentants élus du corps enseignant.

      Pour le jugement de chaque affaire, la section disciplinaire qui ne peut comprendre que des enseignants d'un grade égal ou supérieur, est éventuellement complétée, selon les cas, soit par cooptation d'un membre du corps auquel appartient le justiciable si ce corps n'y est pas représenté, soit par nomination de représentants des établissements d'enseignement supérieur privé.

      Ces juridictions, complétées d'un nombre égal de membres élus en leur sein par les représentants élus des étudiants, exercent le pouvoir disciplinaire à l'égard des étudiants.

      Un décret en Conseil d'Etat déterminera les peines applicables et précisera la composition et le fonctionnement de ces juridictions.

    • Avant le 31 décembre 1968, le ministre de l'éducation nationale établira, après consultation des diverses catégories d'intéressés, une liste provisoire des unités d'enseignement et de recherche destinées à constituer les différentes universités. Les collèges électoraux des différentes catégories seront convoqués par les recteurs sur la base de cette liste provisoire en vue d'élire leurs délégués. La détermination des collèges électoraux, les modalités des scrutins et les dispositions nécessaires afin d'en assurer la régularité et la représentativité, notamment en ce qui concerne le quorum, seront fixées par décret, conformément aux dispositions prévues au titre III de la présente loi.

    • Les délégués ainsi désignés devront :

      1. Elaborer les statuts des unités auxquelles ils sont rattachés ; ces statuts devront être approuvés à titre provisoire par le recteur d'académie ;

      2. Désigner les délégues de l'unité à l'assemblée constitutive provisoire de l'université.

      Les unités d'enseignement et de recherche qui, à la date du 1er juin 1969, n'auraient pas adopté des statuts conformes aux dispositions de la présente loi, pourront être dotées à titre provisoire de statuts établis par décret.

      Dans le cas où les unités d'enseignement et de recherche n'auraient pas, à cette même date, désigné leurs délégués à l'assemblée constitutive provisoire de l'université, les enseignants, étudiants et autres personnels de ces unités désigneraient directement leurs représentants à l'assemblée constitutive provisoire de l'université.

    • Les représentants élus par les unités, ou élus directement, dans les conditions prévues à l'article 40 constitueront l'assemblée constitutive provisoire de l'université. Ils élaboreront les statuts de l'université qui devront être approuvés par le ministre de l'éducation nationale et ils désigneront leurs représentants au conseil national.

      La structure des collèges électoraux, les règles relatives à l'électorat, l'éligibilité et les modalités du vote, la composition des assemblées seront déterminées par décret, conformément aux dispositions prévues au titre III de la présente loi.

      Trois mois après la publication de l'arrêté ministériel désignant les universités d'une académie, celles qui n'auraient pas adopté de statuts conformes aux dispositions de la présente loi pourront être dotées de statuts établis par décret.

      Les universités régulièrement pourvues d'un statut seront érigées par décret en établissements publics à caractère scientifique et culturel.

    • Le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche pourra être valablement constitué lorsqu'un ensemble d'universités groupant la moitié des enseignants et des étudiants de l'ensemble de la France auront pu adopter leurs statuts et désigner leurs représentants. Le conseil de l'enseignement supérieur sera alors supprimé.

Le Président de la République : C. DE GAULLE.

Le Premier ministre, MAURICE COUVE DE MURVILLE.

Le ministre d'Etat chargé des affaires sociales, MAURICE SCHUMANN.

Le ministre de l'économie et des finances, FRANCOIS ORTOLI.

Le ministre de l'éducation nationale, EDGAR FAURE.

Le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, ROBERT GALLEY.

TRAVAUX PREPARATOIRES (1)

Loi n° 68-978.

Assemblée nationale :

Projet de loi n° 266 ;

Rapport et rapport supplémentaire de M. Capelle, au nom de la commission des affaires culturelles (n° 288 et 340) ;

Avis de la commission des finances (n° 275) ;

Discussion les 3, 4, 8, 9 et 10 octobre 1968.

Adoption, après déclaration d'urgence, le 10 octobre 1968.

Sénat :

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, n° 5 (1968-1969) ;

Rapport de M. Cornu, au nom de la commission des affaires culturelles, n° 8 (1968-1969) ;

Avis de la commission des finances, n° 15 (1968-1969) ;

Discussion les 23, 24 et 25 octobre 1968.

Adoption le 25 octobre 1968.

Assemblée nationale :

Projet de loi, modifié par le Sénat, n° 396 ;

Rapport de M. Capelle, au nom de la commission mixte paritaire (n° 427) ;

Discussion et adoption le 7 novembre 1968.

Sénat :

Rapport de M. Caillavet, au nom de la commission mixte paritaire, n° 26 (1968-1969) ;

Discussion et adoption le 7 novembre 1968.

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