Loi n°55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence et en déclarant l'application en Algérie.

Dernière mise à jour des données de ce texte : 30 juin 2018

Version en vigueur au 14 août 1955

L'Assemblée nationale et le Conseil de la République ont délibéré,

L'Assemblée nationale a adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

    • L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, de l'Algérie, ou des départements d'outre-mer, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

    • L'état d'urgence ne peut être déclaré que par la loi.

      La loi détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur. Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence recevra application seront fixées par décret pris en conseil des ministres sur le rapport du ministre de l'intérieur.

    • La loi fixe la durée de l'état d'urgence qui ne peut être prolongée que par une loi nouvelle.

      Toutefois, en cas de démission du Gouvernement ou de vacance de la présidence du conseil, le nouveau gouvernement devra demander la confirmation par le Parlement de la loi déclarant l'état d'urgence dans un délai de quinze jours francs à compter de la date à laquelle il a obtenu la confiance de l'Assemblée nationale.

      Si cette demande n'est pas présentée dans le délai prescrit la loi sera caduque.

    • En cas de dissolution de l'Assemblée nationale, la loi ayant déclaré l'état d'urgence est abrogée de plein droit.

    • La déclaration de l'état d'urgence donne pouvoir au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2 :

      1° D'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ;

      2° D'instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ;

      3° D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics.


      Dans sa décision n° 2017-635 QPC du 9 juin 2017 (NOR : CSCX1716998S), le Conseil constitutionnel a déclaré le 3° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence contraire à la Constitution. La déclaration d'inconstitutionnalité prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 9 de cette décision.

      Dans sa décision n° 2017-684 QPC du 11 janvier 2018 (NOR : CSCX1801161S), le Conseil constitutionnel a déclaré le 2° de l'article 5 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1154 du 11 juillet 2017 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, contraire à la Constitution. La déclaration d'inconstitutionnalité prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 8 de cette décision.

    • Le ministre de l'intérieur dans tous les cas et, en Algérie, le gouverneur général peuvent prononcer l'assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret visé à l'article 2 dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics des circonscriptions territoriales visées audit article.

      L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération.

      En aucun cas, l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes visées à l'alinéa précédent.

      L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille.

    • Toute personne ayant fait l'objet d'une des mesures prises en application de l'article 5 (3°), ou de l'article 6 peut demander le retrait de cette mesure. Sa demande est soumise à une commission consultative comprenant des délégués du Conseil général désignés par ce dernier et comportant, en Algérie, la représentation paritaire d'élus des deux collèges.

      La composition, le mode de désignation et les conditions de fonctionnement de la commission seront fixés par un règlement d'administration publique.

      Les mêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre la décision visée à l'alinéa 1er ci-dessus devant le tribunal administratif compétent. Celui-ci devra statuer dans le mois du recours. En cas d'appel, la décision du Conseil d'Etat devra, intervenir dans les trois mois de l'appel.

      Faute par les juridictions ci-dessus d'avoir statué dans les délais fixés par l'alinéa précédent, les mesures prises en application de l'article 5 (3°) ou de l'article 6 cesseront de recevoir exécution.

    • Le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence, le gouvernement général pour l'Algérie et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones déterminées par le décret prévu à l'article 2.

      Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre.

    • Les autorités désignées à l'article 6 peuvent ordonner la remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories définies par le décret du 18 avril 1939 et des munitions correspondantes et prescrire leur dépôt entre les mains des autorités et dans les lieux désignés à cet effet.

      Les armes de la cinquième catégorie remises en vertu des dispositions qui précèdent donneront lieu à récépissé. Toutes dispositions seront prises pour qu'elles soient rendues à leur propriétaire en l'état où elles étaient lors de leur dépôt.

    • La déclaration de l'état d'urgence s'ajoute aux cas visés à l'article 1er de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation en temps de guerre pour la mise à exécution de tout ou partie des dispositions de ladite loi en vue de pourvoir aux besoins résultant de circonstances prévues à l'article 1er.

    • La loi déclarant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse :

      1° Conférer aux autorités administratives visées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;

      2° Habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.

      Les dispositions du paragraphe 1° du présent article ne sont applicables que dans les zones fixées par le décret prévu à l'article 2 ci-dessus.

    • Lorsque l'état d'urgence est institué, dans tout ou partie d'un département, un décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la défense nationale, peut autoriser la juridiction militaire à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes, relevant de la cour d'assises de ce département.

      La juridiction de droit commun reste saisie tant que l'autorité militaire ne revendique pas la poursuite et, dans tous les cas, jusqu'à l'ordonnance prévue à l'article 133 du code d'instruction criminelle (1). Si, postérieurement à cette ordonnance, l'autorité militaire compétente pour saisir la juridiction militaire revendique cette poursuite, la procédure se trouve, nonobstant les dispositions de l'article 24, dernier alinéa, du code de justice militaire, portée de plein droit devant la chambre des mises en accusation prévue par l'article 68 du code de la justice militaire, lorsque la chambre de l'instruction saisie n'a pas encore rendu son arrêt, soit devant la juridiction militaire compétente ratione loci lorsqu'un arrêt de renvoi a été rendu. Dans ce dernier cas, les dispositions de l'alinéa ci-après sont applicables, et il n'y a pas lieu pour la Cour de cassation de statuer avant le jugement sur les pourvois qui ont pu être formés contre cet arrêt. Le tribunal militaire est constitué et statue, dans les conditions fixées aux deux derniers alinéas de l'article 10 du code de la justice militaire.

      Lorsque le décret prévu à l'alinéa du présent article est intervenu, dans les circonscriptions judiciaires précisées audit décret et pour toutes les procédures déférées à la juridiction militaire, il ne pourra être exercé aucune voie de recours contre les décisions des juridictions d'instruction, y compris l'arrêt de renvoi, à l'exception de l'opposition contre les ordonnances statuant sur une demande de mise en liberté provisoire devant la chambre des mises en accusation, qui statuera dans la quinzaine. Une nouvelle opposition ne pourra être élevée que contre une ordonnance rendue plus de deux mois après une précédente décision de rejet de la chambre des mises en accusation.

      Les pourvois en cassation contre les décisions des juridictions d'instruction ne peuvent être formés qu'après jugement statuant au fond et, s'il y a lieu, en même temps que le pourvoi élevé contre celui-ci. Ils sont portés devant un tribunal militaire de cassation établi par décret en se conformant aux articles 126 à 132 du code de justice militaire et statuant dans les conditions de forme et de fond prévues aux articles 133 à 155 dudit code.

      Aucune voie de recours, même en cassation, ne pourra également être exercée contre les décisions des juridictions d'instruction de droit commun statuant sur des faits prévus audit décret à l'exclusion de l'appel devant la chambre des mises en accusation qui statuera dans la quinzaine contre une ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté provisoire et du pourvoi en cassation contre un arrêt de renvoi devant la cour d'assises. Un nouvel appel ne pourra être élevé que contre une ordonnance rendue plus de deux mois après une précédente décision de rejet de la chambre des mises en accusation.



      Voir article 181 du Code de procédure pénale.

    • Les infractions aux dispositions des articles 5, 6, 8, 9 et 11 (2°) seront punies d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de 11 euros à 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement. L'exécution d'office, par l'autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée nonobstant l'existence de ces dispositions pénales.

    • Les mesures prises en application de la présente loi cessent d'avoir effet en même temps que prend fin l'état d'urgence.

      Toutefois, après la levée de l'état d'urgence les tribunaux militaires continuent de connaître des crimes et délits dont la poursuite leur avait été déférée.

Par le Président de la République :

RENE COTY.

Le président du conseil des ministres, EDGAR FAURE.

Le ministre délégué à la présidence du conseil, GASTON PALEWSKI.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, SCHUMAN.

Le ministre des affaires étrangères, ANTOINE PINAY.

Le ministre de l'intérieur, MAURICE BOURGE-MAUNOURY.

Le ministre de la défense nationale et des forces armées, PIERRE KOENIG.

Le ministre des finances et des affaires économiques, PIERRE PFLIMLIN.

Le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme, EDOUARD CORNIGLION-MOLINIER.

Le ministre de l'industrie et du commerce, ANDRE MORICE.

Le ministre de l'agriculture, JEAN SOURBET.

Le ministre de la santé publique et de la population, BERNARD LAFAY.

Le ministre de la marine marchande, PAUL ANTIER.

Le ministre des postes, télégraphes et téléphones, EDOUARD BONNEFOUS.

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