Avis n° 2022-07 de la Commission consultative des trésors nationaux

Version initiale


Saisie par la ministre de la culture, en application de l'article R. 111-11 du code du patrimoine,
Vu le code du patrimoine, notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11 ;
Vu la demande de certificat d'exportation déposée le 16 février 2022, relative à un tableau de Théodore GÉRICAULT, Étude de chevaux à l'écurie : vingt-quatre croupes et un poitrail, dit aussi Les Croupes, huile sur toile, vers 1813 ;


  • La Commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 15 juin 2022 ;
    Après en avoir délibéré ;
    Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé constitue un remarquable tableau exécuté autour de 1813 par l'artiste français majeur du début du XIXe siècle, Théodore Géricault (1791-1824), qui réalisa au cours de sa courte et brillante carrière beaucoup de représentations talentueuses de chevaux ; que l'intérêt passionné de Géricault dès son enfance normande pour ces animaux ne s'est jamais démenti et s'inscrivait aussi dans un goût prononcé de l'époque en France pour l'art équestre en plein renouveau sous l'impulsion de Napoléon Ier, qui visait à restaurer, après une éclipse à la fin de l'Ancien régime, la tradition d'excellence de l'équitation française ; que cette œuvre, souvent surnommée Les Croupes et ayant la même provenance que celle dite Les Poitrails, parmi de nombreux portraits de chevaux de Géricault, comme la Tête de cheval blanc de 1815 ou celui présumé de Tamerlan, le cheval de l'empereur en 1816, et de diverses études en écuries, dénote une approche profondément originale ; que ce tableau, en effet, se distingue, même si les arrière-trains de chevaux sont un motif iconographique pratiqué depuis l'Antiquité romaine, par ses grandes dimensions, l'apparentant à une peinture d'histoire, et par le caractère inédit du traitement du sujet, qui s'intéresse moins aux morphologies musculo-squelettiques qu'à la variété des robes et des crins, à la nervosité et au caractère de chaque coursier, traduits avec une grande virtuosité picturale ; qu'en outre, ces croupes alignées en bandes, à chacune desquelles Géricault a conféré une identité propre, ont été peintes, possiblement à Versailles grâce à l'accès aux écuries permis par son ami le peintre Horace Vernet, de manière séparée, ce que révèle notamment certaines ombres portées différentes ; que ce tableau, célébré dès le vivant de l'artiste, a été l'une des œuvres les plus chères de la vente après décès de son atelier en 1824 ; que son parcours historique est connu de manière continue, avec un passage dans plusieurs collections prestigieuses, telles que celles du banquier Ferdinand Raphaël Bischoffsheim, dans la descendance duquel le tableau est resté jusqu'à nos jours ; que cette œuvre, en bon état de conservation, marque, par les effets de sérialité, d'occultation des avant-trains ainsi que sa composition en registres superposés, se rapprochant de l'esprit des études botaniques et des planches encyclopédiques, une nouvelle conception du portrait animalier, détournant la tradition aristocratique en la matière ;
    Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considéré comme un trésor national ;
    Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.


Pour la Commission :
Le président,
E. Honorat

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