Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires

NOR : ECOC1829943P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2018/12/13/ECOC1829943P/jo/texte
JORF n°0288 du 13 décembre 2018
Texte n° 18

Version initiale


  • Monsieur le Président de la République,
    A son article 15, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable, et accessible à tous a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour prévoir, sur une durée de deux ans :


    - un relèvement de 10 % du seuil d'interdiction de la revente à perte pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, revendus en l'état aux consommateurs ;
    - un encadrement en valeur et en volume des opérations promotionnelles financées par le distributeur ou le fournisseur portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, en définissant les sanctions administratives permettant d'assurer l'effectivité de ces dispositions.


    Ces mesures s'inscrivent dans le projet de rénovation des relations économiques entre les acteurs des filières agricoles et agroalimentaires qui a été, avec la définition des objectifs d'une politique de l'alimentation ambitieuse, l'objet des « Etats généraux de l'alimentation » ayant associé des représentants des agriculteurs, des industries agroalimentaires, du commerce et de la grande distribution, des élus, des experts, des partenaires sociaux, des associations de consommateurs et des représentants de la société civile, qui se sont achevés en décembre 2017.
    Le constat d'une répartition de la valeur défavorable aux producteurs des filières agricoles et agroalimentaires est largement partagé, de même que le fait que cette situation résulte d'une absence de pouvoir de négociation équilibré de ces producteurs, dans un contexte marqué par une forte dissymétrie de concentration économique entre la production sur l'amont et la distribution à l'aval.
    Il en résulte une fragilité de la situation des acteurs de la filière agricole, dont les marges nettes ont connu une érosion significative sur la période récente, tandis que les maillons intermédiaires de l'industrie agroalimentaire et avals de la distribution ont de leur côté été impactés par la montée en puissance d'acteurs détenant des positions de marché importantes au plan mondial ainsi que par le développement du commerce en ligne.
    L'intensification de la pression concurrentielle au stade de la distribution dans un contexte de crise économique et de stagnation du pouvoir d'achat a été perçue comme induisant une contrainte supplémentaire sur les fournisseurs.
    Aussi est-il apparu qu'un rééquilibrage des relations entre l'amont et l'aval des filières était l'un des impératifs de la nécessaire transformation des systèmes agricoles.
    Parallèlement, il est indispensable de rééquilibrer les relations entre l'amont et l'aval des filières.
    Les deux mesures mentionnées ci-dessus de relèvement du seuil de revente à perte et d'encadrement des promotions font partie des orientations qui se sont dégagées des Etats généraux de l'alimentation, avec notamment la nécessité d'une structuration du secteur de la production, le développement de contrats durables fondés sur le renversement de la logique de construction des prix afin de prendre en compte les coûts de production, le renforcement des interprofessions, le renforcement des clauses de renégociation et l'amélioration de la lisibilité et de l'efficacité des règles applicables.
    La rédaction de la présente ordonnance a été réalisée en prenant en compte les contributions des parties prenantes ayant participé à l'atelier 7 des Etats Généraux de l'Alimentation.
    Ainsi, cette ordonnance prévoit, pour une durée de deux ans, deux dispositifs distincts :


    - le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état aux consommateurs ;
    - et l'encadrement des promotions en valeur et en volume pour les mêmes produits alimentaires.


    C'est dans ce cadre que les sept articles ont été rédigés.
    L'article 1er prévoit que les dispositions de l'ordonnance seront applicables pour une durée de deux ans à compter de leur entrée en vigueur. Cette disposition répond à la volonté de prévoir un dispositif à vocation expérimentale, devant faire l'objet d'une évaluation du Gouvernement, d'une durée de deux ans conformément aux dispositions de la loi d'habilitation.
    L'article 2 relève le seuil de revente à perte portant sur les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, revendus en l'état au consommateur, en affectant leur prix d'achat effectif (tel que défini à l'article L. 442-2 du code de commerce) d'un coefficient de 1,10.
    L'article 3 qui organise l'encadrement des promotions, en valeur et en volume, est divisé en cinq parties.
    En son I, est défini le champ d'application de cet article 3. Ainsi, cet encadrement des promotions porte sur tous les avantages promotionnels, « immédiats ou différés, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur de denrées alimentaires ou de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie ». Cet encadrement est applicable par dérogation à celui prévu au neuvième alinéa de l'article L. 441-7 du code de commerce, qui limite pour certains produits agricoles et pour les produits laitiers les promotions à 30 % de la valeur du barème des prix unitaires. Par conséquent, pendant les deux années d'application de l'ordonnance, cet encadrement prévu au neuvième alinéa de l'article L. 441-7 sera inapplicable.
    En son II, l'article 3 prévoit que l'encadrement des promotions « en valeur », au sens de la loi d'habilitation, sera de 34 % du prix de vente au consommateur ou d'une augmentation équivalente de la quantité vendue. La détermination de cet encadrement en valeur à 34 % reprend les conclusions de l'atelier 7 des Etats généraux de l'alimentation, au sein duquel les parties prenantes ont notamment souligné qu'un tel taux permettrait de continuer à pratiquer des promotions du type « 2 produits achetés, 1 offert ».
    En son III, l'article 3 prévoit que l'encadrement des promotions « en volume », au sens de la loi d'habilitation, sera de 25 %, que les avantages promotionnels soient accordés par le distributeur ou le fournisseur, l'application de ce taux étant précisée en fonction des catégories de produits vendus :
    Le 1° du III porte sur les produits faisant l'objet d'un contrat prévu à l'article L. 441-7 du code de commerce, soit les produits de marque nationale et certains produits sous marques de distributeurs. Dans ce cas, la valeur d'achat cumulée des produits vendus en promotion par le distributeur ne peut pas dépasser 25 % du montant du chiffre d'affaires prévisionnel qui devra être défini dans le contrat prévu à l'article L. 441-7.
    Le 2° du III porte sur les produits sous marque de distributeur qui répondent aux besoins particuliers de l'acheteur. Pour ces produits, la quantité de produits vendus en promotion par le distributeur ne peut pas dépasser 25 % du volume prévisionnel convenu entre le fournisseur et le distributeur.
    Le 3° du III porte sur les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture. Pour les produits agricoles, le volume de produits vendus en promotion par le distributeur ne peut pas dépasser 25 % des engagements de volume convenus entre le fournisseur et le distributeur.
    En son IV, les produits périssables menacés d'altération rapide sont exclus de son champ d'application. Cette exclusion est une reprise du 6° du I de l'article L. 442-4, qui prévoit que l'interdiction de revente à perte n'est pas applicable à de tels produits.
    En son V, l'article prévoit les sanctions administratives permettant d'assurer l'effectivité de l'encadrement des promotions. Deux types de sanctions sont prévus en cas de non-respect des dispositions de l'article : soit une amende administrative de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € pour une personne morale, soit une amende administrative correspondant à la moitié des dépenses de publicité au titre de l'avantage promotionnel. Ces sanctions pourront être doublées en cas de réitération du manquement.
    L'article 4 prévoit l'établissement d'un rapport par le Gouvernement au Parlement avant le 1er octobre 2020, sur la base notamment des éléments d'analyses que devront fournir les acteurs de la filière alimentaire.
    L'article 5 prévoit la possibilité de suspendre par décret en Conseil d'Etat pris après avis de l'Autorité de la concurrence, l'application du relèvement du seuil de revente à perte ou l'encadrement des promotions, pour tout ou partie des produits concernés et pour une période pouvant aller jusqu'au terme de la période de deux ans prévue par l'ordonnance, lorsque le comportement d'un nombre significatifs d'acheteurs de denrées et produits alimentaires, lors de la négociation ou de l'exécution des contrats d'achat, est de nature à compromettre sensiblement l'atteinte des objectifs tenant notamment au rétablissement de conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs.
    L'article 6 exclut les départements, régions et collectivités d'outre-mer du dispositif de relèvement du seuil de revente à perte et d'encadrement des promotions, prévus aux articles 2 et 3.
    L'article 7 fixe la date d'entrée en vigueur des articles 2 et 3 de l'ordonnance. Pour le relèvement du seuil de revente à perte prévu à l'article 2, l'entrée en vigueur sera fixée par décret et interviendra au plus tard le 1er juin 2019. L'encadrement des promotions en valeur prévu au II de l'article 3, entrera en vigueur au 1er janvier 2019, notamment afin de permettre aux professionnels de réaliser les campagnes promotionnelles déjà organisées, notamment celles prévues pour la période des fêtes de fin d'année.
    L'article 7 précise également les conditions d'entrée en vigueur de l'encadrement des promotions en volume, en distinguant les différentes catégories de contrats, et en tenant compte des contraintes liées à leurs caractéristiques.
    S'agissant de la catégorie de contrat régissant les relations commerciales pour les produits de marque nationale et certains produits sous marques de distributeurs (contrats mentionnés à l'article L. 441-7 du code de commerce), l'encadrement des promotions sera applicable à tous les contrats régissant ces relations commerciales pour l'année à venir. Pour cela, l'article 6 prévoit que ces dispositions seront applicables aux contrats mentionnés à cet article L. 441-7, lorsqu'en application de ce même article ces contrats devaient être conclus au plus tard le 1er mars 2019.
    S'agissant des autres catégories de contrats, ayant comme caractéristique d'être pour la plupart conclus pour une période significativement plus courte que les précédents, les dispositions relatives à l'encadrement des promotions, qui entreront en vigueur dans les conditions du droit commun, soit le lendemain de la publication de l'ordonnance, seront applicables aux contrats en cours.
    Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 219,3 Ko
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