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  • (LOI POUR LA RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ, DE LA NATURE ET DES PAYSAGES)


    Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, sous le numéro 2016-737 DC, le 21 juillet 2016, par MM. Bruno RETAILLEAU, Pascal ALLIZARD, Gérard BAILLY, Philippe BAS, Jérôme BIGNON, Jean BIZET, François BONHOMME, Gilbert BOUCHET, François-Noël BUFFET, Mme Agnès CANAYER, MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Mmes Caroline CAYEUX, Anne CHAIN-LARCHÉ, MM. Pierre CHARON, Daniel CHASSEING, Philippe DALLIER, Mathieu DARNAUD, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Robert del PICCHIA, Gérard DÉRIOT, Mmes Catherine DEROCHE, Jacky DEROMEDI, Chantal DESEYNE, Catherine DI FOLCO, MM. Eric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Mmes Marie-Annick DUCHÊNE, Nicole DURANTON, M. Louis DUVERNOIS, Mme Dominique ESTROSI SASSONE, MM. Bernard FOURNIER, Jean-Paul FOURNIER, Jean-Claude GAUDIN, Jacques GENEST, Alain GOURNAC, Jean-Pierre GRAND, Daniel GREMILLET, Jacques GROSPERRIN, Mme Pascale GRUNY, MM. Benoît HURE, Jean-François HUSSON, Mme Corinne IMBERT, M. Alain JOYANDET, Mme Christiane KAMMERMANN, MM. Guy-Dominique KENNEL, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Jean-Baptiste LEMOYNE, Gérard LONGUET, Mme Vivette LOPEZ, MM. Didier MANDELLI, Alain MARC, Mmes Colette MÉLOT, Brigitte MICOULEAU, MM. Alain MILON, Albéric de MONTGOLFIER, Mme Patricia MORHET-RICHAUD, MM. Philippe NACHBAR, Louis-Jean de NICOLAŸ, Claude NOUGEIN, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, François PILLET, Xavier PINTAT, Rémy POINTEREAU, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, Michel RAISON, Jean-François RAPIN, René-Paul SAVARY, André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLÉ, MM. Michel VASPART, Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL et Jean-Pierre VOGEL, sénateurs.
    Il a également été saisi, le 22 juillet 2016, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Patrick BALKANY, Jean-Pierre BARBIER, Sylvain BERRIOS, Jean-Claude BOUCHET, Mme Valérie BOYER, MM. Xavier BRETON, Gilles CARREZ, Guillaume CHEVROLLIER, Eric CIOTTI, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Rémy DELATTE, Nicolas DHUICQ, Mme Sophie DION, MM. Julien DIVE, Jean-Pierre DOOR, Mme Marianne DUBOIS, M. Georges FENECH, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Marc FRANCINA, Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Georges GINESTA, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Mme Françoise GUÉGOT, MM. Jean-Jacques GUILLET, Christophe GUILLOTEAU, Michel HERBILLON, Antoine HERTH, Philippe HOUILLON, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Denis JACQUAT, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Marc LE FUR, Jean LEONETTI, Philippe LE RAY, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Hervé MARITON, Patrice MARTIN-LALANDE, Jean-Claude MATHIS, Gérard MENUEL, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Yannick MOREAU, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Patrick OLLIER, Jacques PELISSARD, Mme Stéphanie PERNOD-BEAUDON, MM. Bernard PERRUT, Christophe PRIOU, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Jean-Marie SERMIER, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Guy TEISSIER, Jean-Marie TETART, Pascal THÉVENOT, Arnaud VIALA, Jean-Pierre VIGIER, Michel VOISIN, Laurent WAUQUIEZ et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés.
    Au vu des textes suivants :


    - la Constitution ;
    - l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
    - le règlement CE n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil ;
    - le code de l'environnement ;
    - le code minier ;
    - le code général de la propriété des personnes publiques ;
    - le code rural et de la pêche maritime ;


    Et après avoir entendu le rapporteur ;
    Le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ce qui suit :
    1. Les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ils contestent la conformité à la Constitution de certaines dispositions de son article 2. Les députés requérants contestent également la procédure d'adoption de cette loi ainsi que la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 11, 95 et 125.
    Sur la procédure d'adoption de la loi :
    2. Les députés requérants font valoir que les exigences constitutionnelles relatives au droit d'amendement ont été méconnues, lors de la lecture définitive du projet de loi à l'Assemblée nationale, car des amendements adoptés en commission par le Sénat en nouvelle lecture ont été déclarés irrecevables lors de cette lecture définitive.
    3. Si, en vertu des articles 44 et 45 de la Constitution, le droit d'amendement peut s'exercer à chaque stade de la procédure, il est soumis à des limitations particulières quand est mis en discussion le texte élaboré par la commission mixte paritaire ou lorsque le Gouvernement invite l'Assemblée nationale, sur le fondement du dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, à statuer définitivement. Dans l'hypothèse où l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle, ne peuvent être adoptés que des amendements votés par le Sénat lors de sa dernière lecture du texte en discussion.
    4. D'une part, les exigences constitutionnelles relatives à la recevabilité des amendements sont applicables aux amendements déposés en lecture définitive à l'Assemblée nationale. D'autre part, chacune des modifications apportées lors de l'examen en nouvelle lecture d'un texte adopté par le Sénat peut être reprise par amendement devant l'Assemblée nationale lorsqu'elle statue définitivement. Il en va ainsi soit que ces modifications apportées par le Sénat en nouvelle lecture aient pour origine des amendements adoptés par la commission qui n'ont pas été supprimés en séance publique, soit que ces modifications apportées par le Sénat en nouvelle lecture proviennent d'amendements adoptés en séance publique, soit enfin que ces modifications résultent de la combinaison d'amendements adoptés par la commission puis modifiés par des amendements adoptés en séance publique.
    5. A la suite de l'échec de la procédure de la commission mixte paritaire, le Sénat a, lors de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi, adopté un projet modifié. Le Gouvernement a alors demandé à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. Lors de l'examen du projet de loi en lecture définitive à l'Assemblée nationale, la discussion a porté sur le projet de loi adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale. Deux amendements visant à reprendre des modifications à l'article 2 du projet de loi adoptées en commission, lors de la nouvelle lecture au Sénat, ont été déclarés irrecevables en lecture définitive. Or, l'article 2 du projet de loi ayant été rejeté par le Sénat en séance publique, les modifications introduites en commission ne pouvaient être considérées comme adoptées par le Sénat. Ainsi, il n'a pas été porté atteinte au droit d'amendement en lecture définitive tel qu'il est consacré par le dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution.
    6. La loi déférée a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.
    Sur le dernier alinéa de l'article 2 :
    7. L'article 2 de la loi déférée modifie l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Son dernier alinéa complète le paragraphe II de l'article L. 110-1 par un 9° aux termes duquel la connaissance, la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise en état et la gestion de l'environnement doivent être inspirées par « le principe de non-régression, selon lequel la protection de l'environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement, ne peut faire l'objet que d'une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».
    8. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions, qui auraient pour effet de restreindre la liberté du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire, méconnaissent la « liberté de légiférer » protégée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la souveraineté nationale garantie par l'article 3 de la Constitution. Les sénateurs requérants estiment que ces mêmes dispositions sont contraires à la hiérarchie des normes et aux articles 39 et 44 de la Constitution dès lors que seule la Constitution peut limiter le pouvoir du législateur. Ils font également valoir que, si ces dispositions sont interprétées comme ne contraignant pas le législateur, elles sont alors contraires à l'exigence selon laquelle la loi édicte des normes. Enfin, selon eux, ces dispositions méconnaissent aussi l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi et le principe de précaution garanti par l'article 5 de la Charte de l'environnement.
    9. En premier lieu, selon l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale… ». Il résulte de cet article comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative.
    10. Les dispositions contestées énoncent un principe d'amélioration constante de la protection de l'environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Ce principe s'impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, ces dispositions ne sont donc pas dépourvues de portée normative.
    11. En deuxième lieu, il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité. Il peut également à cette fin modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Dans l'un et l'autre cas, il ne saurait priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Les griefs tirés de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient l'article 2 de la Déclaration de 1789 et les articles 3, 39 et 44 de la Constitution doivent donc être écartés.
    12. En troisième lieu, selon l'article 5 de la Charte de l'environnement : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».
    13. Les dispositions contestées ont pour objet de favoriser l'amélioration constante de la protection de l'environnement et ne font pas obstacle à ce que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de l'article 5 de la Charte de l'environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution. Dès lors le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de précaution est inopérant.
    14. En dernier lieu, l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.
    15. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, les dispositions du dernier alinéa de l'article 2 de la loi déférée ne sont entachées d'aucune inintelligibilité. Le grief doit par conséquent être écarté.
    16. Le dernier alinéa de l'article 2 est conforme à la Constitution.
    Sur le 1° de l'article 11 :
    17. L'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation des règles relatives à la commercialisation de semences et de matériels de reproduction de végétaux ainsi que celles relatives à leur sélection, leur production, leur protection, leur traitement, leur circulation, leur distribution et leur entreposage lorsque ceux-ci interviennent en vue d'une telle commercialisation.
    18. Le 1° de l'article 11 de la loi déférée modifie cet article L. 661-8 afin d'exempter la cession, la fourniture ou le transfert de tels semences ou matériels de reproduction du respect des règles ainsi définies, à l'exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production, lorsque trois conditions sont réunies. En premier lieu, les espèces végétales correspondantes doivent appartenir au domaine public. En deuxième lieu, leur cession, leur fourniture ou leur transfert doivent s'adresser à des utilisateurs finaux non professionnels, qui n'entendent pas eux-mêmes faire une exploitation commerciale de la variété végétale concernée. Enfin, l'opération, qui peut être réalisée, sans autres restrictions, à titre gratuit, ne peut en revanche l'être à titre onéreux que par une association régie par la loi du 1er juillet 1901.
    19. Les députés requérants font valoir que cette exemption au profit des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 est contraire au principe d'égalité. En effet, elle leur permettrait de céder, fournir ou transférer les semences et matériels en cause à titre onéreux, sans être tenues par l'ensemble des règles visées à l'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime, contrairement à d'autres personnes susceptibles de procéder aux mêmes opérations de vente ou d'échange. Par ailleurs, les députés requérants soutiennent qu'en faisant référence, pour limiter le champ de l'exemption créée par le 1° de l'article 11, aux « règles sanitaires relatives à la sélection et à la production », le législateur n'a pas retenu une formulation suffisamment précise, en contrariété avec l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
    20. En premier lieu, selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.
    21. En instaurant une exemption au profit des associations régies par la loi du 1er juillet 1901, pour la vente et l'échange de semences ou de matériels de reproduction des végétaux appartenant au domaine public, le législateur a, en vue de la préservation de la biodiversité, entendu favoriser la circulation de ces semences ou matériels de reproduction auprès des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale.
    22. Toutefois, les associations ne sont pas placées, au regard de cet objectif, dans une situation différente de celles d'autres personnes morales ou physiques susceptibles, par la vente ou l'échange de ces mêmes semences ou matériels de reproduction, à titre commercial ou non, de favoriser également cette circulation des variétés végétales auprès des mêmes utilisateurs. La différence de traitement ainsi établie étant sans rapport avec l'objet de la loi, elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi.
    23. Par conséquent, au 1° de l'article 11, les mots « ou, s'il est réalisé par une association régie par la loi du 1er janvier 1901 relative aux contrats d'association, à titre onéreux » sont contraires à la Constitution.
    24. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, l'exception visant les « règles sanitaires relatives à la sélection et à la production » n'est entachée d'aucune inintelligibilité.
    25. A l'exception des dispositions déclarées contraires à la Constitution au paragraphe 23, le reste du 1° de l'article 11, qui ne méconnaît aucune autre exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
    Sur le paragraphe II de l'article 95 :
    26. Le paragraphe II de l'article 95 insère dans le code minier un article L. 132-15-1 qui institue, à la charge des titulaires de concessions autres que celles de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, une redevance annuelle d'exploitation des gisements en mer situés sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive. Le premier alinéa de l'article L. 132-15-1 pose le principe de cette redevance et prévoit l'affectation de son produit à l'Agence française pour la biodiversité. Son deuxième alinéa énumère les critères dont il est tenu compte pour le calcul de cette redevance. Il prévoit également que cette redevance est majorée « si les activités concernées s'exercent dans le périmètre d'une aire marine protégée au sens de l'article L. 334-1 du code de l'environnement ». Son troisième alinéa renvoie aux dispositions du code général de la propriété des personnes publiques pour la détermination des règles en matière de constatation, de prescription, de paiement et de recouvrement de la redevance. Son quatrième alinéa confie à un décret le soin de fixer les modalités de calcul, de répartition, d'affectation et d'utilisation du produit de la redevance.
    27. Les députés requérants soutiennent que la redevance instituée par l'article L. 132-15-1 du code minier méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques dès lors que, cumulée avec la taxe générale sur les activités polluantes, elle revêt un caractère confiscatoire. Ils soutiennent également que la majoration prévue par le deuxième alinéa de cet article lorsque les activités concernées s'exercent dans le périmètre d'une aire marine protégée institue, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, une différence de traitement injustifiée entre des activités de même nature selon le lieu de leur exercice. Ils soutiennent enfin que le renvoi opéré par le troisième alinéa de cet article au régime applicable à la propriété des personnes publiques méconnaît la protection constitutionnelle de la propriété publique.
    28. En premier lieu, selon l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Cette exigence ne serait pas respectée si l'impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives. En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
    29. Le prélèvement institué par le paragraphe II de l'article 95, qui est une contrepartie au droit d'exploitation de gisements en mer situés sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive, présente le caractère d'une redevance. Il n'entre ainsi pas dans la catégorie des impositions de toutes natures. Le grief tiré de ce que son cumul avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire prohibé par l'article 13 de la Déclaration de 1789 est donc inopérant.
    30. En deuxième lieu, en prévoyant que la redevance d'exploitation est majorée lorsque les activités concernées s'exercent dans le périmètre d'une aire marine protégée, le législateur a traité différemment des concessionnaires placés dans la même situation pour l'exploitation de gisements en mer. En prévoyant un régime particulier pour les gisements situés dans les aires marines protégées, le législateur a entendu limiter les activités ayant un impact environnemental dans ces zones. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. La différence de traitement qui en résulte est en rapport avec l'objet de la loi. Par conséquent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.
    31. En dernier lieu, en renvoyant, pour les règles en matière de constatation, de prescription, de paiement et de recouvrement de la redevance, au code général de la propriété des personnes publiques, l'article L. 132-15-1 du code minier n'a porté aucune atteinte au droit de propriété.
    32. Le paragraphe II de l'article 95, qui insère un article L. 132-15-1 dans le code minier, est conforme à la Constitution.
    Sur le paragraphe I de l'article 125 :
    33. Le paragraphe I de l'article 125 de la loi déférée complète l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, qui encadre l'usage des produits phytopharmaceutiques, par un nouveau paragraphe II. Ce paragraphe II interdit d'utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits à compter du 1er septembre 2018. Il prévoit dans le même temps la possibilité de déroger à cette interdiction, jusqu'au 1er juillet 2020, par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé, sur la base d'un bilan établi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et rendu public.
    34. Les députés requérants font valoir que l'interdiction édictée par le paragraphe I de l'article 125 viole manifestement les dispositions du règlement du 21 octobre 2009 mentionné ci-dessus, lequel n'autoriserait pas les Etats membres à édicter une mesure générale et indifférenciée d'interdiction de mise sur le marché et d'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Il en résulterait une méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution. Les députés requérants font valoir que les dispositions contestées portent également une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'entreprendre des personnes commercialisant ces produits et de leurs utilisateurs, dans la mesure où l'interdiction qu'elles édictent concerne des produits chimiques dont les effets dommageables sur l'environnement ne sont pas suffisamment démontrés.
    35. En premier lieu, selon l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». Ainsi, il en résulte une exigence constitutionnelle de transposition en droit interne d'une directive de l'Union européenne.
    36. En l'espèce, le paragraphe I de l'article 125 de la loi déférée n'a pas pour objet de transposer une directive de l'Union européenne. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution doit être écarté.
    37. En second lieu, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.
    38. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prévenir les risques susceptibles de résulter pour l'environnement ainsi que pour la santé publique de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances, l'appréciation par le législateur des conséquences susceptibles de résulter pour l'environnement et pour la santé publique de l'utilisation de ces produits.
    39. D'autre part, si le législateur a interdit l'usage de ces produits et des semences traitées avec ces produits, il n'a en revanche interdit ni leur fabrication ni leur exportation. Par ailleurs, s'il a fixé la date d'interdiction de l'usage de ces produits et des semences traitées avec ces produits au 1er septembre 2018, il a toutefois aménagé des possibilités de dérogation à l'interdiction pendant une durée de vingt-deux mois à compter de cette date. Dans ces conditions, il a porté à la liberté d'entreprendre des personnes commercialisant ces produits et ces semences et à celle de leurs usagers une atteinte qui n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général de protection de l'environnement et de l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé publique poursuivis.
    40. Il résulte de tout ce qui précède que le paragraphe I de l'article 125, qui ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution.
    Sur la place d'autres dispositions dans la loi déférée :
    En ce qui concerne les dispositions introduites en première lecture :
    41. Aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
    42. Les articles 76 à 79 modifient les règles applicables à la protection des chemins ruraux. L'article 76 prévoit que le recensement des chemins ruraux décidé par un conseil municipal interrompt le délai de prescription pour l'acquisition des parcelles comportant ces chemins. L'article 77 suspend ce délai de prescription pendant une durée de deux ans à compter de la publication de la loi déférée. L'article 78 autorise l'échange de parcelles sur lesquelles est établi un chemin rural. L'article 79 impose la révision du plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée pour tenir compte du recensement des chemins ruraux mené par la commune.
    43. L'article 138 de la loi déférée modifie l'incompatibilité entre les fonctions de garde particulier et celles de membre du conseil d'administration de l'association qui le commissionne, afin de la réduire à une incompatibilité avec les seules fonctions de président, vice-président et trésorier de l'association en cause.
    44. Introduites en première lecture, les dispositions des articles 76, 77, 78, 79 et 138 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
    En ce qui concerne les dispositions introduites en nouvelle lecture :
    45. Il ressort de l'économie de l'article 45 de la Constitution et notamment de la première phrase de son premier alinéa, selon laquelle : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique », que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion. Toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.
    46. L'article 24 prévoit le rattachement de l'établissement public de l'Etat à caractère administratif pour la gestion de l'eau et de la biodiversité du Marais poitevin à l'Agence française pour la biodiversité.
    47. Le paragraphe II de l'article 29 prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, relatif à l'opportunité de compléter les redevances des agences de l'eau.
    48. Les amendements dont sont issues les dispositions précitées ont été introduits en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Ces adjonctions n'étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion. Elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ni à corriger une erreur matérielle. Adoptées selon une procédure contraire à la Constitution, elles lui sont donc contraires.
    49. Le Conseil constitutionnel n'a soulevé d'office aucune autre question de constitutionnalité.
    Le Conseil constitutionnel décide :


  • Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages :


    - les mots « ou, s'il est réalisé par une association régie par la loi du 1er janvier 1901 relative aux contrats d'association, à titre onéreux » figurant au 1° de l'article 11 ;
    - l'article 24 ;
    - le paragraphe II de l'article 29 ;
    - les articles 76, 77, 78 et 79 ;
    - l'article 138.


  • Sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes de la même loi :


    - le dernier alinéa de l'article 2 ;
    - le reste du 1° de l'article 11 ;
    - le paragraphe II de l'article 95 ;
    - le paragraphe I de l'article 125.


  • Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


  • Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 août 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Valéry GISCARD d'ESTAING, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

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