Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2013-714 du 5 août 2013 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement

NOR : DEVX1316468P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2013/8/6/DEVX1316468P/jo/texte
JORF n°0181 du 6 août 2013
Texte n° 24

Version initiale


Monsieur le Président de la République,
L'article 7 de la Charte de l'environnement prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, [...] de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ». Ce principe est mis en œuvre, de longue date, par des procédures particulières telles que l'enquête publique ou, plus récemment, le débat public.
Sa consécration comme principe de valeur constitutionnelle, doublée de la compétence attribuée au seul législateur pour définir les conditions et limites de son exercice, a toutefois conduit à devoir organiser par la loi la participation du public à l'élaboration de nouvelles catégories de décisions, en particulier les décisions à caractère impersonnel.
Tel a été l'objet de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, issu de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, qui a défini les conditions et limites de la participation du public à l'élaboration des décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics, lorsqu'une procédure particulière n'y pourvoyait pas déjà par ailleurs.
Plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ont toutefois montré le caractère à la fois incomplet et fragile de ce dispositif, auquel la loi n° 2012-1460 du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement a entendu remédier :
― d'abord, en procédant à la réécriture de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, désormais applicable à l'ensemble des décisions autres que les décisions individuelles de l'Etat et de ses établissements publics ;
― ensuite, et compte tenu du fait que le droit constitutionnel de participation du public s'applique à l'ensemble des « décisions publiques », quels qu'en soient l'auteur et la nature, dès lors qu'elles ont une incidence sur l'environnement, en habilitant le Gouvernement, en son article 12, à prendre par ordonnance, d'ici au 1er septembre 2013, les dispositions relevant du domaine de la loi ayant pour objet, notamment, de « prévoir, conformément à l'article 7 de la Charte de l'environnement, les conditions et limites de la participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement autres que celles prévues au I de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ».
L'article 1er étend ainsi les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement aux décisions réglementaires et d'espèce de l'ensemble des autorités publiques, à l'exclusion toutefois de celles de ses dispositions n'ayant vocation à concerner que les décisions des autorités de l'Etat et de ses établissements publics.
En outre, afin de tenir compte de la situation des collectivités territoriales et des groupements de collectivités les moins importants, la possibilité leur est offerte de recourir à des modalités de participation du public alternatives.
Ainsi, en vertu du III de l'article L. 120-1, pour les communes de moins de 10 000 habitants et les groupements de collectivités territoriales dont la population totale est inférieure à 30 000 habitants, les observations du public pourront être recueillies sur un registre papier. L'objet et les modalités de la consultation devront être portés à la connaissance du public par voie d'affichage ainsi que, pour les communes et groupements de collectivités qui disposent d'un site internet, par voie électronique. Une synthèse des observations du public devra en outre être rendue publique, sans qu'il soit nécessaire qu'elle soit accompagnée d'un document exposant les motifs de la décision.
Les communes de moins de 2 000 habitants auront en outre, en vertu du IV de l'article L. 120-1, la faculté de substituer aux modalités de participation du public précédemment décrites la tenue d'une réunion publique, dont l'objet, le lieu et la date devront avoir préalablement été portés à la connaissance du public par voie d'affichage. La publication d'une synthèse des observations du public et d'un document exposant les motifs de la décision n'est pas exigée dans cette hypothèse.
L'article 2 insère dans le code de l'environnement, en premier lieu, un article L. 120-1-1 qui définit un dispositif supplétif de participation du public à l'élaboration des décisions individuelles des autorités publiques.
Le I de l'article L. 120-1-1 définit le champ d'application de ce dispositif, en précisant notamment qu'en sont exclues les décisions individuelles appartenant à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. Cette disposition permet d'éviter l'application de l'article L. 120-1-1 dans le cas où une législation particulière a elle-même tracé la ligne de partage, s'agissant d'une catégorie de décisions, entre celles qui, eu égard à leurs incidences sur l'environnement, doivent être soumises à participation du public et celles qui peuvent en être dispensées. Il en ira de même des décisions qui modifient, prorogent, retirent ou abrogent des décisions appartenant à une telle catégorie.
Le même I précise en outre que ne sont pas regardées comme ayant une incidence sur l'environnement les décisions qui ont sur ce dernier un effet indirect ou non significatif. En effet, la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel a clairement mis en lumière que l'article 7 de la Charte de l'environnement n'exige pas que le public soit associé à l'élaboration des décisions publiques dont l'incidence sur l'environnement est seulement indirecte ou non significative (v. not. les décisions n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, n° 2013-308 QPC du 26 avril 2013 et n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013). Cette précision est apparue particulièrement opportune s'agissant des décisions individuelles visées par l'article L. 120-1-1, mais la notion d'incidence sur l'environnement ne devrait pas s'apprécier différemment, même en l'absence d'une précision similaire à l'article L. 120-1, en ce qui concerne les décisions réglementaires et d'espèce, dès lors que le Conseil constitutionnel utilise, à leur égard, exactement les mêmes critères pour déterminer celles d'entre elles qui rentrent dans le champ d'application de l'article 7 de la Charte de l'environnement (v. la décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 précitée).
Enfin, le troisième alinéa du I de l'article L. 120-1-1 précise, d'une part, au 1°, que les dispositions de cet article ne s'appliquent pas aux décisions individuelles pour lesquelles les autorités publiques ne disposent d'aucun pouvoir d'appréciation. Dans cette hypothèse, en effet, la participation du public serait vaine, dès lors que le projet de décision ne pourrait pas être modifié pour tenir compte des observations du public. D'autre part, le 2° exclut expressément l'application de l'article L. 120-1-1 aux mises en demeure et sanctions, dès lors que ces décisions peuvent être regardées comme n'ayant pas d'incidence directe sur l'environnement : elles ont en effet pour seul objet d'assurer le respect d'obligations préexistantes (qu'elles résultent d'une réglementation ou d'un acte individuel tel qu'une autorisation), qui doivent seules, le cas échéant, être regardées comme ayant une telle incidence.
En ce qui concerne les modalités de participation, le II de l'article L. 120-1-1 nouveau définit une procédure de consultation par voie électronique qui s'inspire des modalités prévues à l'article L. 120-1 tout en offrant davantage de souplesse aux autorités concernées, pour tenir compte de la grande diversité et du nombre des décisions individuelles susceptibles d'être concernées.
Sont également prévues des modalités alternatives de participation du public en faveur des communes de moins de 10 000 habitants et des groupements de collectivités territoriales dont la population totale est de moins de 30 000 habitants : les observations du public pourront être recueillies sur un registre papier, l'objet et les modalités de la consultation devant avoir été portées à la connaissance du public par voie d'affichage ainsi que, pour les communes et groupements de collectivités qui disposent d'un site internet, par voie électronique.
En second lieu, l'article 2 de l'ordonnance étend aux décisions autres que celles mentionnées au I de l'article L. 120-1 du code de l'environnement les dispositions actuellement en vigueur du III de cet article, selon lesquelles, dans les cas d'urgence justifiée par la protection de l'environnement, la santé publique ou l'ordre public, la participation du public peut être exclue ou les délais réduits. Ces dispositions sont l'objet d'un nouvel article L. 120-1-2 du code de l'environnement.
En troisième lieu, le nouvel article L. 120-1-3 reprend, en les étendant aux décisions autres que celles mentionnées au I de l'article L. 120-1 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi du 27 décembre 2012, les dispositions du IV de cet article, qui prévoient que les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue de protéger les intérêts mentionnés au I de l'article L. 124-4 du même code, ce qui couvre, notamment, le secret de la défense nationale, la sécurité publique et la sécurité des personnes, la protection de la vie privée ou encore le secret en matière commerciale et industrielle.
Enfin, le nouvel article L. 120-1-4 précise, s'agissant des décisions individuelles, que la participation du public peut être exclue lorsqu'il n'est pas possible d'y procéder sans porter atteinte aux intérêts concernés.
L'article 3 réécrit l'article L. 120-2 du code de l'environnement pour écarter l'application de la procédure supplétive de participation du public définie aux articles L. 120-1 à L. 120-1-4 lorsque le public peut être regardé comme ayant été mis en mesure de se prononcer sur les enjeux de la décision en cause à l'occasion de l'élaboration d'un acte situé en amont de cette décision.
Ainsi, le 1° de l'article L. 120-2 prévoit que l'organisation d'une consultation du public en application des articles L. 120-1 à L. 120-1-4 n'est pas obligatoire en ce qui concerne les décisions prises conformément à une décision réglementaire ou d'espèce ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à la participation du public lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d'apprécier l'incidence sur l'environnement des décisions susceptibles d'être prises conformément à celui-ci.
Dans le même esprit, le 2° de l'article L. 120-2 écarte également l'application des articles L. 120-1 à L. 120-1-4 dans le cas des décisions prises dans le cadre de lignes directrices, pourvu que celles-ci aient été soumises à participation du public dans des conditions conformes à l'article L. 120-1, que leurs énonciations permettent au public d'apprécier l'incidence sur l'environnement des décisions individuelles concernées et qu'il n'y ait pas été dérogé. Les lignes directrices ainsi visées sont celles par lesquelles, dans le cadre tracé par la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 11 décembre 1970, Crédit foncier de France, l'autorité administrative compétente définit des orientations en vue de l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui laissent les dispositions législatives et réglementaires applicables.
L'article 4 est une disposition de coordination.
L'article 5 comporte des dispositions visant à mettre en conformité avec l'article 7 de la Charte de l'environnement la procédure d'élaboration de certaines catégories de décisions individuelles.
Ainsi, le 1° rétablit, à l'article L. 411-2 du code de l'environnement, un 4° qui définit les cas dans lesquels il est possible d'accorder des dérogations aux dispositions des 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, qui interdisent toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et toute destruction, altération ou dégradation de leur milieu, lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation. En effet, le 4° de l'article L. 411-2 a été déclaré contraire à la Constitution, faute d'organiser la participation du public à l'élaboration des décisions prises sur son fondement, par la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012, qui a reporté au 1er septembre 2013 la date d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité. Compte tenu de la création, par la présente ordonnance, d'un dispositif supplétif de participation du public à l'élaboration des décisions individuelles ayant une incidence sur l'environnement, qui aura vocation à s'appliquer aux décisions prises sur le fondement du 4° de l'article L. 411-2, il est possible de rétablir ces dispositions sans méconnaître la chose jugée par le Conseil constitutionnel.
Le 2° a pour portée, de même, en supprimant le renvoi à un décret en Conseil d'Etat, par le V de l'article L. 411-3 du code de l'environnement, du soin de définir les conditions dans lesquelles les projets d'introduction dans le milieu naturel d'espèces à la fois non indigènes et non domestiques ou cultivées font l'objet d'une mise à disposition préalable du public, de rendre applicable à l'élaboration des décisions prises sur les demandes d'autorisation de ces projets les dispositions supplétives de l'article L. 120-1-1.
Les articles 6 et 7 rendent applicables la nouvelle rédaction de l'article L. 120-1 du code de l'environnement et l'article L. 120-1-1 du même code aux décisions ayant une incidence sur l'environnement prises, respectivement, en application du code forestier et en application de la législation nationale ou des règlements de l'Union européenne relatifs à la pêche maritime et à l'aquaculture marine.
L'article 8 prévoit que l'ordonnance entre en vigueur le 1er septembre 2013, date de prise d'effet des déclarations d'inconstitutionnalité, par le Conseil constitutionnel, de l'article L. 120-1 du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 27 décembre 2012 précitée et du 4° de l'article L. 411-2 du même code (respectivement décisions n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 et n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012).
Il est toutefois prévu que les dispositions de l'ordonnance ne s'appliqueront pas aux décisions publiques prises en application du code forestier et en application de la législation nationale ou des règlements de l'Union européenne relatifs à la pêche maritime et à l'aquaculture marine pour lesquelles une consultation du public a été engagée avant le 1er septembre 2013 dans les conditions prévues par les dispositions législatives qui leur étaient applicables antérieurement à cette date.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 206,3 Ko
Retourner en haut de la page