Délibération du 3 mars 2011 portant avis sur le projet de décret pris pour application de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 fixant les modalités d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique

Version initiale



  • Participaient à la séance : M. Philippe de LADOUCETTE, président, M. Olivier CHALLAN BELVAL, M. Frédéric GONAND et M. Jean-Christophe Le DUIGOU, commissaires.
    La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 17 février 2011, par la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'un projet de décret pris pour application de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 fixant les modalités d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique.


    1. Contexte et objet


    Le projet de décret détermine les modalités de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) d'EDF pour les opérateurs fournissant des consommateurs finals résidant sur le territoire métropolitain continental ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, prévu par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, qui modifie notamment la loi n° 2000-108 du 10 février 2000.
    L'article 4-1 de la loi du 10 février 2000 précitée prévoit que la CRE rend un avis sur ce projet de décret en Conseil d'Etat, qui doit notamment préciser :
    ― « les obligations qui s'imposent à Electricité de France et aux fournisseurs bénéficiant de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique » ;
    ― « les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l'énergie calcule et notifie les volumes et propose les conditions d'achat de l'électricité cédée dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique [...] et les conditions dans lesquelles les ministres chargé de l'économie et de l'énergie arrêtent ces conditions d'achat ».


    2. Principales observations


    L'ensemble des amendements demandés par la CRE figurent dans le projet de décret joint en annexe à la présente délibération ; ceux-ci apparaissent en souligné dans le corps du texte. Un exposé des motifs, inséré en italique immédiatement après la proposition d'amendement, rappelle, par ailleurs, les principaux arguments ayant présidé à son élaboration.


    2.1. La Commission de régulation de l'énergie propose de modifier la segmentation
    entre petits et gros consommateurs utilisée pour calculer les droits à l'ARENH


    Le VI de l'article 1er du projet de décret prévoit une segmentation des consommateurs pour la détermination des modalités de mise en œuvre de l'ARENH qui distingue :
    ― les consommateurs finals situés en France métropolitaine dont la courbe de charge est caractérisée par un profil défini par les règles relatives au dispositif de responsable d'équilibre et souscrivant une puissance inférieure à 36 kVA, dits petits consommateurs ;
    ― les consommateurs finals situés en France métropolitaine autres que les petits consommateurs, dits gros consommateurs ;
    ― les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité situés en France métropolitaine pour l'électricité achetée pour la compensation des pertes.
    Avant le 1er janvier 2016, une catégorie C1 rassemble les gros consommateurs et des pertes. Une catégorie C2 correspond aux petits consommateurs. A partir du 1er janvier 2016, la catégorie C1 regroupe les petits consommateurs, les gros consommateurs et les pertes.
    Le calcul des droits à l'ARENH nécessite de pouvoir identifier les consommations de ces sous-catégories. En effet, le calcul du complément de prix applicable à un fournisseur est réalisé ex post sur la base des consommations constatées des clients du fournisseur, pour chaque sous-catégorie de consommateurs.
    Or, il est impossible pour un gestionnaire de réseau de distribution (GRD) d'identifier les consommateurs profilés inférieurs à 36 kVA. En effet, les profils de type ENT, définis par les règles de responsable d'équilibre, peuvent correspondre indifféremment à des clients souscrivant une puissance supérieure ou inférieure à 36 kVA.
    Par ailleurs, les clients profilés verront progressivement leurs données de consommation profilées remplacées par des données télérelevées au rythme du déploiement des dispositifs de comptage évolué. Afin que ces clients continuent à bénéficier du produit de type b, il s'agit donc que tous les clients télérelevés de puissance inférieure ou égale à 36 kVA soient ajoutés aux clients profilés au sein d'une même sous-catégorie.
    La CRE propose de retenir une segmentation entre :
    ― les profilés de type résidentiel, professionnel et éclairage public dont la courbe de charge est reconstituée par profilage, et les télérelevés souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kVA ;
    ― les autres consommateurs finals ;
    ― les pertes.
    Afin de permettre une modification des profils qualifiant l'appartenance à la première sous-catégorie des petits consommateurs, en cas de révision des règles de responsables d'équilibre dans le futur, il est nécessaire de préciser la liste des clients appartenant à la catégorie des petits consommateurs en annexe du décret, modifiable par arrêté du ministre chargé de l'énergie.


    2.2. L'identification des consommations des consommateurs finals d'un fournisseur


    Le gestionnaire du réseau de transport doit être en mesure de transmettre à la CRE la consommation constatée par fournisseur aux échéances demandées. Le décret doit donc :
    ― expliciter clairement les informations que doivent transmettre les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité et les responsables d'équilibre ;
    ― clarifier le rôle de l'organisme indépendant mentionné au I de l'article 2 du projet de décret, en indiquant que celui-ci doit certifier la bonne application de la méthode utilisée par le responsable d'équilibre pour fournir la consommation constatée des fournisseurs rattachés à son périmètre ;
    ― préciser le rôle de la CRE dans le processus de validation et d'approbation des méthodes utilisées.


    2.3. La Commission de régulation de l'énergie propose de maintenir
    la distinction entre petits et gros consommateurs au-delà de 2016


    Le projet de décret prévoit au III de l'article 4 un principe de « monotonie » disposant qu'un fournisseur ne peut demander plus d'ARENH (respectivement moins) lors d'un guichet semestriel s'il a demandé une baisse de son volume ARENH (respectivement une hausse) au guichet semestriel précédent. Ce principe s'entend au niveau d'une catégorie de consommateurs, à savoir C1 ou C2.
    Avant le 1er janvier 2016, les petits et les gros consommateurs sont regroupés dans deux catégories distinctes. Un fournisseur est en droit de revoir sa demande ARENH en cours d'année, pour refléter une hausse, par exemple, de son portefeuille de petits consommateurs, constitué au fil de l'année, puis de revoir sa demande d'ARENH en fin d'année à la baisse, dans l'hypothèse d'une perte d'un gros client, dont les contrats sont en très grande majorité calés sur une année civile.
    Après 2016, l'ensemble des consommateurs petits, gros et pertes est réuni dans une même catégorie. Par conséquent, un fournisseur ne peut plus orienter sa demande d'ARENH à la baisse en fin d'année civile, pour répondre à une éventuelle perte d'un gros client, s'il a fait une demande à la hausse en cours d'année répondant à un besoin sur le segment des petits clients. Cette impossibilité fait peser, du fait du calcul du complément de prix ex post, un risque important sur un fournisseur présent sur les deux segments de clientèle et risque de geler son activité sur le marché de masse en cours d'année.
    La CRE propose de maintenir la séparation entre les deux catégories C1 et C2 après 2016, afin d'appliquer la contrainte de « monotonie » séparément aux petits et aux gros consommateurs.


    2.4. La Commission de régulation de l'énergie propose un allongement des délais de paiement,
    et une cessation des droits d'ARENH au deuxième défaut de paiement


    Le projet de décret prévoit, en son article 8, que les montants dus par les fournisseurs sont prélevés automatiquement par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), par mensualités, tous les 20 du mois de livraison.
    Cette disposition paraît contraire aux usages du marché de l'électricité.
    Tout d'abord, un prélèvement automatique paraît impossible à mettre en œuvre pour certains fournisseurs, notamment ceux implantés hors du territoire national.
    Par ailleurs, les achats d'énergie sur le marché de gros de l'électricité de gré à gré, qui représentent la majeure partie des transactions, se font aux conditions standards EFET (European Federation of Energy Traders), à savoir avec un paiement le 20 du mois suivant le mois de livraison de l'énergie.
    Bien que les conditions de paiement soient différentes sur les bourses de l'électricité, il paraît raisonnable de retenir les conditions standards des contrats conclus sur le marché de gros.
    Le projet de décret prévoit également qu'en cas de défaut de paiement, le fournisseur ne peut à nouveau bénéficier de cessions de produits dans le cadre de l'ARENH qu'après une durée d'un an à compter de la date de la cessation.
    La CRE considère que l'automaticité de suspension de l'ARENH pendant douze mois au premier incident de paiement est disproportionnée et propose de n'appliquer cette disposition qu'au deuxième cas de défaut de paiement non régularisé.
    Le projet de décret prévoit enfin en son article 8 des garanties financières qui peuvent être appelées par la CDC en cas de défaut de paiement. Les garanties évoquées sont peu précisées, tant en ce qui concerne leur nature qu'en ce qui concerne leur montant. Plusieurs types de garanties peuvent être apportés par un fournisseur demandant à bénéficier de l'ARENH :
    ― financières, fondées sur la solidité financière de l'entreprise concernée ;
    ― bancaires, émises par un établissement bancaire.
    La typologie et le volume des garanties à apporter doivent pouvoir être définis par la CRE dans le cadre de la proposition des stipulations de l'accord-cadre qu'elle doit faire au ministre en charge de l'énergie.


    2.5. Le calcul de la clause de prix complémentaire devrait rendre le coût d'une prévision trop optimiste
    de consommation symétrique de celui d'une prévision trop pessimiste


    La clause de prix complémentaire prévue par le projet de décret comporte deux termes :
    ― un terme CP1 de neutralisation des bénéfices potentiellement engendrés par la revente sur le marché des quantités excédentaires d'ARENH obtenues par le fournisseur ;
    ― un terme CP2 de pénalisation portant sur les quantités excessives obtenues par le fournisseur (égales aux quantités excédentaires au-delà d'une marge de tolérance).
    Le terme de pénalisation est prévu comme étant égal au terme de neutralisation, ce qui signifie qu'au-delà de la marge de tolérance, le fournisseur paye une clause de prix égale au double de la clause de prix payée dans la marge de tolérance.
    Si le fournisseur fait une prévision trop pessimiste de ses besoins en ARENH, il devra approvisionner une quantité plus importante d'électricité sur le marché de gros, à un prix potentiellement supérieur à celui de l'ARENH.
    Ce jeu de contraintes (surcoût d'achat au marché en cas de prévision trop faible, neutralisation en cas de prévision excédentaire, surcoût au titre de la pénalisation en cas de prévision excessive) conduit le fournisseur à demander de l'ARENH non pas sur la base de sa meilleure prévision de son besoin mais sur la base de sa meilleure prévision augmentée d'une marge équivalente à la moitié de la marge de tolérance prévue par le projet de décret, comme l'illustre le schéma qui suit :



    Vous pouvez consulter le tableau dans le

    JOn° 100 du 29/04/2011 texte numéro 49



    Pour assurer une symétrie entre surcoût lié à une prévision trop pessimiste et surcoût lié à une prévision trop optimiste, un palier pourrait utilement être inséré dans le dispositif d'évaluation du complément de prix quand la marge de tolérance est atteinte :



    Vous pouvez consulter le tableau dans le

    JOn° 100 du 29/04/2011 texte numéro 49



    En conséquence, la CRE propose que le terme CP2 soit constitué de l'addition de la valorisation déjà prévue des quantités excessives sur le marché et d'un terme fixe de pénalisation.


    2.6. Rôle de la Caisse des dépôts et consignations


    Les articles 7 et 8 du projet de décret doivent aussi prévoir les modalités contractuelles qui devront lier EDF et la CDC dans le cadre du dispositif ARENH, la CDC agissant pour le compte d'EDF. Par ailleurs, en cas de non-recouvrement des sommes dues par les fournisseurs, il est nécessaire de prévoir la transmission par la CRE à EDF des informations nécessaires au recouvrement contentieux, par EDF, des sommes impayées.


    2.7. Le calcul des pénalités applicables
    doit tenir compte des cas de force majeure


    Dans des circonstances exceptionnelles et totalement imprévisibles pour le fournisseur, les consommations des clients peuvent être affectées dans des proportions excédant la tolérance dans l'écart entre les droits constatés ex post et la demande ex ante, faisant ainsi porter sur le fournisseur un risque important sur le calcul du complément de prix. La CRE propose donc de prendre en compte, dans le calcul des pénalités applicables :
    ― les cas de force majeure, conformément aux dispositions de l'article 1148 du code civil ;
    ― les cas de suspension de fourniture consécutifs à une cessation de paiement effectuée conformément aux dispositions des articles L. 640-1 et suivants du code de commerce.


    2.8. La tolérance dérogatoire


    Les circuits de validation internes aux fournisseurs, que devront suivre la demande d'enregistrement, l'accord-cadre et la demande d'ARENH, induisent des délais importants qui peuvent retarder le démarrage du dispositif, espéré au 1er juillet 2011, et génèrent des incertitudes dans les prévisions des consommations des portefeuilles des fournisseurs.
    Afin de faciliter la mise en œuvre du dispositif ARENH dès le 1er juillet 2011, la CRE propose d'augmenter la tolérance relative au calcul de la clause de prix complémentaire, augmentation strictement limitée à l'année 2011, ce qui permettra de diminuer sensiblement les risques pesant sur les fournisseurs, et par voie de conséquence les délais de validation internes.


    2.9. Consommations constatées ex post


    Le prix complémentaire est calculé en fonction des consommations réalisées constatées ex post. Le projet de décret prévoit aujourd'hui, au II de son article 9, une estimation dite « définitive » au plus tard vingt mois après la fin de la période de livraison.
    La consommation est estimée à M + 3 (1), M + 6 et M + 12 par le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité (RTE). L'écart entre les consommations constatées à M + 3 et les consommations constatées à M + 6 ou à M + 12 est extrêmement faible par rapport à l'écart entre les consommations estimées à M et constatées à M + 3.
    Par souci de simplification, la CRE propose de réaliser un unique calcul de complément de prix sur la base des consommations constatées sur l'année calendaire écoulée à partir des données envoyées par le gestionnaire du réseau de transport à la fin du mois d'avril de chaque année, ce qui permettra à l'ensemble des acteurs d'avoir une connaissance définitive des volumes pris en compte au titre du mécanisme ARENH et des flux financiers afférents à un horizon de temps beaucoup plus court que celui prévu dans l'actuel projet de décret. Les données utilisées pour le calcul du complément de prix seront donc les données M + 12 pour les mois de janvier, février et mars de l'année calendaire écoulée, les données M + 6 pour les mois d'avril à septembre, et les données M + 3 pour les mois d'octobre, novembre et décembre.

    (1) Trois mois après la fin de la période de livraison.


  • 2.10. Prévisions de consommation prises en compte
    pour le calcul de la quantité annuelle dédiée aux pertes


    La CRE calcule pour chaque gestionnaire de réseau la quantité annuelle dédiée aux pertes, mentionnée au IV de l'article 9 du projet de décret. Elle est définie comme « la quantité de produit maximale calculée sur la base de la consommation prévisionnelle du gestionnaire de réseau public d'électricité pour ses pertes ». Il apparaît nécessaire de définir les prévisions de consommations prises en compte pour ce calcul et leurs modalités de transmission à la CRE.
    En outre, le projet de décret prévoit que « la CRE communique aux gestionnaires de réseau public d'électricité leur quantité annuelle dédiée aux pertes avec un délai d'anticipation suffisant pour être compatible avec leurs calendriers d'achat d'électricité ». Cette formulation ne permet pas d'établir une échéance claire et transparente de communication des quantités annuelles dédiées aux pertes aux gestionnaires des réseaux publics d'électricité.
    En conséquence, la CRE propose de fixer les modalités de transmission des prévisions de consommation des gestionnaires des réseaux publics d'électricité pour leurs pertes ainsi que les modalités de communication des quantités annuelles dédiées aux pertes.
    Fait à Paris, le 3 mars 2011.


Pour la Commission de régulation de l'énergie :
Le président,
P. de Ladoucette

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