Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2008-1340 du 18 décembre 2008 relative au contrôle de la fabrication et du commerce des précurseurs de drogues

NOR : ECEZ0821796P
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/rapport/2008/12/19/ECEZ0821796P/jo/texte
JORF n°0295 du 19 décembre 2008
Texte n° 19

Version initiale


  • Monsieur le Président,
    La présente ordonnance est prise en application de l'article 18 de la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants qui habilite le Gouvernement à prendre les dispositions nécessaires pour rendre plus efficace la législation applicable aux précurseurs chimiques de drogues et l'adapter au droit communautaire, notamment au règlement (CE) n° 273/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 relatif aux précurseurs de drogues, au règlement (CE) n° 111/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 fixant des règles pour la surveillance du commerce des précurseurs de drogues entre la Communauté et les pays tiers et au règlement (CE) n° 1277/2005 de la Commission du 27 juillet 2005 établissant les modalités d'application du règlement (CE) n° 273/2004 du Parlement européen et du Conseil relatif aux précurseurs de drogues et du règlement (CE) n° 111/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 fixant des règles pour la surveillance du commerce des précurseurs de drogues entre la Communauté et les pays tiers.
    La modernisation de la législation nationale permettra d'adapter le droit interne à l'évolution des textes européens qui sont entrés en vigueur dans l'Union européenne le 18 août 2005.
    Ainsi, dans le prolongement des nouvelles dispositions européennes, les principales modifications apportées par ce projet à la loi n° 96-542 du 19 juin 1996 portant dispositions relatives au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes concernent l'élargissement du champ d'application aux produits dits non classifiés , l'encadrement de la déclaration de soupçons et l'extension des pouvoirs de contrôle de l'administration.
    La présente ordonnance comprend dix-neuf articles, répondant aux objectifs suivants :
    ― organiser le contrôle des précurseurs pouvant être détournés en vue de permettre la fabrication illicite de produits stupéfiants ou de substances psychotropes ;
    ― mettre en œuvre les mesures permettant aux entreprises de coopérer avec les pouvoirs publics en leur notifiant des soupçons sur toute commande inhabituelle ou suspecte ;
    ― permettre aux services de répression de conduire des enquêtes à partir de ces informations en vue d'appréhender les individus tentant d'obtenir des précurseurs afin de fabriquer des drogues ;
    ― confier aux services compétents du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi les pouvoirs juridiques leur permettant d'exercer des contrôles dans les entreprises ou lors de la circulation des précurseurs ;
    ― sanctionner les manquements aux obligations prévues par les règlements communautaires et par le dispositif législatif national.

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    La présente ordonnance concerne l'ensemble des opérations de mise sur le marché, d'importation, d'exportation et de transit, portant sur les substances chimiques soumises aux règlements communautaires précités regroupées sous le nom de précurseurs de drogues . Par rapport aux substances classifiées , déclinées en trois catégories selon la gravité du risque qu'elles présentent, qui figuraient dans la loi de 1996, le champ d'application est élargi pour tenir compte de l'introduction par les règlements européens des substances dites non classifiées qui recouvrent des produits identifiés comme pouvant servir à la fabrication illicite de drogues, mais qui, en dehors d'un devoir de vigilance susceptible de conduire à des déclarations de soupçon ne sont pas soumises aux obligations administratives (article 1er).
    L'article 2 modifie les intitulés de la loi du 19 juin 1996 précitée.
    Les exigences liées à la mise sur le marché, à l'importation ou à l'exportation des substances classifiées imposent aux opérateurs de déte nir un agrément pour les substances de catégorie 1 (article 3) et d'avoir déclaré les adresses de leurs locaux pour les substances de catégorie 2 (article 4). Il est également prévu des procédures simplifiées auxquelles les opérateurs peuvent avoir recours sous certaines conditions (article 5).
    Afin d'éviter le détournement des précurseurs de drogues et d'en permettre un repérage plus facile par les autorités de contrôle, les opérateurs doivent marquer les marchandises de façon reconnaissable (article 6).
    L'article 7 constitue le véritable pivot du système de contrôle des précurseurs de drogues. Il dispose que les entreprises doivent notifier, sans délai, toute circonstance douteuse faisant intervenir des substances classifiées ou non classifiées. Ces déclarations de soupçons doivent permettre aux pouvoirs publics de conduire des enquêtes leur permettant d'identifier les auteurs de tentatives de détournement de précurseurs destinés à la fabrication illicite de drogues.
    Ce dispositif, qui existait dans la loi du 19 juin 1996, a été précisé à la fois en application des règlements communautaires et sur la base de l'expérience recueillie par l'administration française. Le rôle crucial que doivent jouer les personnes responsables dans les entreprises découle des orientations fixées par les règlements européens. Cet article prévoit que les personnes responsables enregistrent par écrit toute opération inhabituelle ou suspecte.
    Les opérateurs économiques doivent communiquer des informations générales sur les transactions relatives aux substances classifiées. Ils doivent aussi fournir toute information spécifique susceptible d'être sollicitée par les pouvoirs publics (article 8).
    Les agents de l'administration doivent être habilités à vérifier que les obligations instituées par la présente ordonnance sont respectées en exerçant des contrôles soit dans les entreprises, soit lors de l'exportation ou de la destruction des substances classifiées (article 9).
    L'expérience récente des pouvoirs publics a montré que le déclenchement de mesures opérationnelles, telles que les livraisons contrôlées de précurseurs de drogues, doit le plus souvent être décidé dans des délais très brefs afin d'identifier et d'appréhender les instigateurs des trafics. Or, les délais prévus pour l'examen puis la délivrance des autorisations nécessaires au commerce ou à l'usage des précurseurs sont difficilement conciliables avec la nécessité impérieuse d'une action rapide sous la conduite de l'autorité judiciaire. Il importe donc de donner à l'autorité administrative la possibilité de produire des documents alors même, par exemple, qu'elle est informée des risques de détournement des produits, et ce afin de permettre la mise en œuvre d'enquêtes pour établir la preuve d'une intention criminelle (article 10). Cette disposition découle des règlements communautaires qui invitent les Etats membres à permettre aux autorités compétentes d'établir qu'un détournement ou une tentative de détournement de substances classifiées s'est produit (article 26-3 c) du règlement (CE) n° 111/2005 précité).
    Les modalités de contrôle et de prélèvement d'échantillons dans les entreprises sont précisées dans l'article 11 ainsi que la possibilité pour les pouvoirs publics de recourir au tribunal de grande instance lorsque leur est opposé le refus d'accès aux locaux professionnels pour l'exercice de leurs contrôles.
    Le fait de procéder à des opérations concernant des précurseurs classés en catégorie 1 sans disposer d'un agrément ou de fournir ces produits à des personnes physiques ou morales non agréées est sanctionné par des amendes forfaitaires, après que les personnes concernées ont été invitées à faire connaître leurs observations (article 12).
    Les infractions portant sur le non-respect des autres obligations administratives, telles que l'absence d'enregistrement auprès des pouvoirs publics ou de marquage des produits, sont punies par des amendes forfaitaires (article 13). Un régime d'astreintes journalières est prévu en cas de retard dans la communication d'informations demandées par les pouvoirs publics (article 14).
    De même, l'autorité administrative peut ordonner des astreintes pour permettre l'accès aux locaux professionnels en cas de refus de la part des opérateurs économiques (article 15).
    Le refus de notifier des soupçons à l'autorité administrative est puni par une échelle de sanctions qui s'appliquent à l'opérateur (avertissement, blâme, interdiction temporaire d'opérations pendant une durée qui ne peut excéder un an, suspension temporaire de l'agrément pour une durée qui ne peut être supérieure à deux ans).
    Lorsque la gravité et la répétition du manquement le justifient, le ministre de l'industrie peut soit retirer l'agrément pour la substance concernée, soit imposer une amende pouvant aller jusqu'à 200 000 €, soit cumuler ces deux sanctions (article 16). Ce dispositif vise à encadrer le mécanisme de déclaration de soupçons mis en place par les règlements communautaires en incitant les opérateurs économiques à faire preuve de vigilance dans le traitement des transactions portant sur les précurseurs de drogues.
    Les décisions de l'autorité administrative peuvent faire l'objet de recours de pleine juridiction (article 17).
    Les dispositions particulières du code des douanes, relatives à certaines marchandises dont le commerce est surveillé, sont étendues aux précurseurs de catégorie 1 (article 18).
    Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
    Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.

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