Dossiers législatifs

LOI n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement

Exposé des motifs

Les constats dressés à l’occasion de la préparation de la loi du 8 août 2016 de reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages restent largement valables aujourd’hui : l’érosion extrêmement préoccupante de la biodiversité est scientifiquement établie. Elle s’explique par le maintien des pressions fortes s’exerçant sur les milieux naturels : le changement climatique, les pollutions, l’artificialisation et la fragmentation des habitats naturels, les espèces exotiques envahissantes, la surexploitation des ressources et les trafics d’espèces protégés.

Aussi, la protection et la restauration de la ressource en eau et de la biodiversité, sur l’ensemble des milieux, constituent-elles un enjeu majeur pour la société et le Gouvernement. Le lancement, le 4 juillet 2018, du « Plan Biodiversité » illustre, par la diversité des actions à conduire et des acteurs impliqués, le chemin restant à parcourir pour parvenir à faire face à l’ensemble de ces constats.

Des leviers pour y remédier ont été identifiés : il s’agit de replacer les enjeux des politiques environnementales à un niveau territorial en vue de traiter les sources diffuses de pression sur les écosystèmes et de recentrer les actions sur des approches préventives plutôt que curatives. Ainsi, la présence de l’Etat dans les territoires ruraux apparaît tous les jours plus indispensable pour garantir un partage équilibré des usages et des espaces naturels, le respect des règles de protection de l’environnement et le maintien d’un environnement de qualité. Par ailleurs, le Plan Biodiversité, les consultations du gouvernement pour une modernisation de la chasse puis les Assises de l’eau ont fait ressortir l’importance de continuer d’améliorer la coordination des services et opérateurs du ministère de la transition écologique et solidaire afin de faire converger l’action des politiques de l’eau et de celles de la biodiversité. C’est ainsi l’ensemble de la politique de protection et de restauration de la ressource en eau et de la biodiversité, sur l’ensemble des milieux, qui s’en trouvera renforcée.

Le Gouvernement a donc décidé de créer un nouvel établissement public administratif reprenant les missions de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, pleinement à même de l’appuyer dans la mise en œuvre du Plan Biodiversité.

Cette création permettra de rapprocher les expertises complémentaires des établissements au service de la reconquête pour la biodiversité, ainsi que de renforcer l’exercice de la police de l’environnement, mieux la répartir dans l’espace et dans le temps, tout en articulant la prévention et le contrôle. Un établissement unique permettra de gagner en lisibilité pour tous ses interlocuteurs et de mettre l’ensemble de ses forces aux services d’orientations stratégiques convergentes. Enfin il favorisera la diversification des parcours professionnels pour ses agents.

Ce nouvel établissement se construira autour de cinq missions « piliers » que sont la police de l’environnement et sanitaire, la connaissance, la recherche et l’expertise sur les espèces et les milieux, l’appui à la mise en œuvre des politiques de l’eau et de la biodiversité, la gestion et l’appui à la gestion d’espaces naturels, et enfin, la mobilisation de la société civile et des acteurs. Ces cinq missions s’exerceront à tous les niveaux territoriaux.

Le conseil d’administration, composé d’une vingtaine de membres, sera structuré en cinq collèges dont la composition sera précisée par décret. D’autres instances de consultation et d’orientation de l’établissement seront créées par voie règlementaire, de façon à assurer une représentation large des parties prenantes.

L’aboutissement de ce projet ambitieux est prévu pour le 1er janvier 2020.

L’article 1er modifie les articles L. 131-8 à L. 131-14 du code de l’environnement pour créer le nouvel établissement regroupant les missions de l’agence française pour la biodiversité et l’office national de la chasse et de la faune sauvage, à l’emplacement actuel dans le code de l’environnement des dispositions relatives à l’Agence française pour la biodiversité.

L’article L. 131-8 crée le nouvel établissement public à caractère administratif, dénommé à titre provisoire et neutre AFB-ONCFS, le nom du futur établissement devant être défini en concertation avec les parties prenantes. L’étendue de son action couvre l’ensemble du territoire national, y compris le domaine public maritime et le plateau continental. Dans les collectivités d’outre-mer ayant des compétences en matière d’environnement, le nouvel établissement pourra intervenir dans l’ensemble de ses missions par convention à la demande des collectivités.

L’article L. 131-9 définit le cadre général des cinq grandes missions qui sont confiées à cet établissement à savoir :

– la contribution à l’exercice de la police administrative et judiciaire relative à l’eau, aux espaces naturels, aux espèces, à la chasse et à la pêche, ainsi que la police sanitaire en lien avec la faune sauvage ;

– la connaissance, la recherche et l’expertise sur les espèces, les milieux, leurs fonctionnalités et leurs usages, ainsi que sur les risques sanitaires en lien avec la faune sauvage, et l’expertise en matière de gestion adaptative de certaines espèces ;

– l’appui à la mise en œuvre des politiques de l’eau et de la biodiversité ;

– la gestion d’espaces naturels et appui à leur gestion ;

– l’accompagnement de la mobilisation de la société civile et des acteurs économiques sur les enjeux de la biodiversité.

L’AFB-ONCFS se voit également confier, pour le compte de l’Etat, la délivrance du permis de chasser, précédemment confiée à l’ONCFS.

La gestion adaptative consiste à adapter de façon plus précise les prélèvements autorisés à l’état de conservation de certaines espèces, dont les catégories sont définies par décret comme le prévoit l’article 3 du projet de loi. La liste des espèces dont la chasse est autorisée ne sera pas modifiée. Il s’agit d’une des mesures décidées par le Gouvernement pour moderniser l’organisation de la chasse et protéger la biodiversité. L’AFB-ONCFS contribuera à sa mise en œuvre par son expertise.

Ces grandes missions ont vocation à être précisées par le décret en Conseil d’Etat prévu par l’article L. 131-17.

Certaines dispositions actuellement applicables à l’AFB précisent sa compétence géographique. Elles ne sont pas reprises explicitement dans la mesure où en l’absence de précision, l’AFB-ONCFS sera compétente sur l’ensemble du territoire national, en mer jusque sur le plateau continental, et en outre-mer. Elle pourra intervenir dans les collectivités ultramarines ayant des compétences en matière d’environnement à la demande de celles-ci par des conventions.

Par ailleurs, et sans devoir l’expliciter par la voie législative, l’AFB-ONCFS poursuivra les coopérations engagées par l’AFB avec les collectivités dans le cadre des agences régionales pour la biodiversité.

L’article L. 131-10 fixe les grands équilibres d’un conseil d’administration organisé en collèges dont la composition sera précisée par voie réglementaire, de même que les autres instances de gouvernance de l’établissement. Le poids économique des questions de biodiversité justifie de prévoir la représentation des acteurs socio-économiques au conseil d’administration. La représentation des comités de bassin et des collectivités territoriales de tous niveaux est prévue pour tenir compte de leur forte implication dans la mise en œuvre des politiques de biodiversité. Les instances cynégétiques seront également représentées compte-tenu des multiples missions assurées par l’établissement dans le domaine de la chasse. Enfin, à l’instar de ce qui se pratique dans la quasi-totalité les établissements publics de l’Etat, des élus du personnel siégeront au sein du conseil d’administration.

Le détail de la composition du conseil d’administration sera fixé par décret.

Le président ou la présidente du conseil d’administration sera élu par et parmi ses membres.

A l’instar de ce qui est actuellement en vigueur, l’article L. 131-11 prévoit que certains espaces protégés, tels que les parcs naturels marins, pourront être gérés par des conseils de gestion, bénéficiant d’une délégation du conseil d’administration de l’AFB-ONCFS, notamment pour rendre certains avis conformes, dans des limites précisées par voie réglementaire.

L’article L. 131-12 précise le mode de direction retenu avec un directeur général ou une directrice générale, nommé par décret, après audition par les commissions compétentes des deux chambres parlementaires. À cet effet, une modification de la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est proposée conjointement.

Les ressources de l’établissement sont fixées par l’article L. 131-13 ; il s’agit d’une liste usuelle pour les établissements publics. Ces modalités de financement reprennent l’exhaustivité des sources de financement des opérateurs intégrés dans l’agence et excluent le recours direct à l’emprunt. Les lois de finances ultérieures détermineront les modalités précises et les montants afférents.

L'article 2 procède à plusieurs adaptations du cadre procédural dans lequel les fonctionnaires et agents amenés à exercer des missions de police judiciaire – et notamment ceux de l’AFB-ONCFS – réalisent des opérations de recherche et de constatation des infractions, et sont amenés à assurer le suivi des mesures prises pour les faire cesser ou les réparer. Ces modifications sont rendues nécessaires au vu de l'expérience acquise au cours des premières années d'application des dispositions de l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement.

Ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de l'objectif de renforcement du pouvoir de police de ces agents, et notamment des inspecteurs de l'environnement, prévu par le plan Biodiversité. Elle permettra également aux parquets de leur confier plus aisément des enquêtes judiciaires qu'ils pourront mener de la constatation de l'infraction jusqu'à l'orientation de poursuites, une fois l'enquête achevée.

Elles permettront aux agents, sur autorisation du procureur de la République, de requérir de toute administration ou établissement public ou privé des informations susceptibles d'intéresser leur enquête et de requérir un expert ou sachant, dans les conditions prévues au code de procédure pénale, d'améliorer la gestion des biens saisis dans le cadre des enquêtes, et d'assurer le suivi des mesures alternatives aux poursuites décidées par le procureur de la République.

L’article 3 apporte des modifications relatives à la chasse en lien avec la création du nouvel établissement public.

Le I adapte les missions des fédérations départementales des chasseurs d’une part par cohérence avec les modifications apportées par les dispositions du V de l’article 3, et d’autre part pour instaurer, à compter de la campagne cynégétique 2019-2020 qui débute le 1er juillet 2019, une obligation de dépense des fédérations départementales d’un montant minimum de cinq euros par chasseur ayant validé un permis de chasser départemental dans l’année, au profit d’actions contribuant directement à la protection de la biodiversité. Celle-ci fera l’objet, par voie réglementaire, d’une comptabilité séparée.

Le II adapte les missions de la fédération nationale des chasseurs en cohérence avec les modifications apportées par le I, de sorte à instaurer pour elle, à compter de la campagne cynégétique 2019-2020, une obligation de dépense d’un montant minimum de cinq euros par chasseur ayant validé un permis de chasser national dans l’année, au profit d’actions contribuant directement à la protection de la biodiversité, soit qu’elle soutient financièrement, soit qu’elle conduit directement.

Le III transfère aux fédérations des chasseurs la mission de délivrance des autorisations de chasser accompagné, actuellement conduite par l’ONCFS, tout en rendant obligatoire une formation à la sécurité à la chasse de l’accompagnateur, dont le contenu est déterminé par arrêté pris après avis de la fédération nationale des chasseurs. Cette autorisation ne permettant pas d’acheter des armes, le contrôle d’un établissement public ne se justifie pas.

Le IV confie à l’AFB-ONCFS la mission de gestion du fichier central sur les permis délivrés, les validations et les autorisations de chasser. Cette mesure permet de remédier à un défaut de transmission à l’ONCFS par les fédérations des chasseurs de la liste annuelle des chasseurs « actifs ». Cette mesure permet de renforcer la connaissance et le suivi des porteurs d’un permis de chasser, qui s’avère importante dans un contexte de prévention du risque terroriste, sachant que la détention d’un permis de chasser validé auprès d’une fédération de chasseurs constitue le principal accès légal aux armes en France. Cela permet également de faciliter les contrôles de police de l’environnement.

Enfin, le V vise à instaurer une obligation de communication des données des prélèvements de certaines espèces par les chasseurs aux fédérations des chasseurs qui devront à leur tour communiquer ces données au nouvel établissement. Le non-respect de cette obligation pour une espèce lors d’une campagne cynégétique conduit l’auteur de ce manquement à ne pas pouvoir prélever ladite espèce pour une durée allant jusqu’aux cinq campagnes suivantes en cas de réitération. Cette mesure permettra d’améliorer la fiabilité et la transparence des prélèvements effectués par les chasseurs, qui constituent un préalable à la mise en place de la gestion adaptative de ces espèces.

L’article 4 organise la continuité des droits et obligations de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage dans le nouvel établissement. Il prévoit la reprise des biens, ainsi que de l’ensemble des droits et obligations de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à l’AFB-ONCFS.

L’article 5 règle les conditions de reprise par l’AFB-ONCFS des personnels relevant de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, pour les situations qui ne relèvent pas des règles générales de reprise du personnel prévues par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Les agents détachés ou mis à disposition au sein de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage restent au sein du nouvel établissement.

Il est prévu une disposition permettant de maintenir simplement les personnes engagées du service civique, les contrats aidés et les apprentis en cours dans l’AFB-ONCFS jusqu’à leur terme.

L’article 6 organise la période transitoire pour la représentation des personnels au conseil d’administration de l’AFB-ONCFS.

L’article 7 organise la période transitoire pour la représentation des personnels au comité technique et au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’AFB-ONCFS.

L’article 8 modifie les dispositions existantes dans le code de l’environnement et autres textes législatifs mentionnant l’Agence française pour la biodiversité ou l’Office national de la chasse et de la faune sauvage afin d’assurer la continuité de leurs missions. Le cas échéant, ces dispositions sont mises en cohérence avec les modifications apportées par la création du nouvel établissement ou par des textes plus récents.

Les articles L. 421-1 à L. 421-3 portant sur les missions de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage sont abrogés.

L’article L. 421-4 est abrogé, car il relève du niveau réglementaire. Les dispositions de cet article seront reprises dans le décret d’application de la loi. Il s’agit des agents pouvant faire l’objet d’une promotion s’ils ont accompli un acte de bravoure ou s’ils ont été blessés ou sont morts dans l’exercice de leurs fonctions.

L'article 9 a pour objet d'habiliter le Gouvernement à procéder aux ajustements procéduraux en matière de police administrative, rendus nécessaires au vu de l'expérience acquise au cours des premières années d'application des dispositions de l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement.

Cette habilitation s'inscrit dans le cadre de l'objectif de renforcement du pouvoir de police des inspecteurs de l'environnement, prévu par le plan Biodiversité. L'ordonnance à venir permettra d'améliorer l'efficacité des services de contrôle.

L’article 10 prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2020 pour les dispositions créant le nouvel établissement, ou en lien avec cette création. Il prévoit une entrée en vigueur au titre de la saison de chasse 2019-2020 pour la mise en place des obligations d’actions en faveur de la biodiversité, ainsi que pour l’adaptation des missions des fédérations départementales et nationale des chasseurs qui en découle. Il prévoit une entrée en vigueur au 1er juillet 2019 de l’obligation de transmission de données de prélèvements de certaines espèces. Cette entrée en vigueur est adaptée aux saisons de chasse, et concomitante à l’entrée en vigueur effective de la baisse des redevances cynégétiques portée par le projet de loi de finances pour 2019.

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