Dossiers législatifs

LOI n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

Exposé des motifs

La France vit sous le régime de l’état d’urgence depuis le 14 novembre 2015. Celui-ci a été institué immédiatement après les pires attentats terroristes commis sur le sol national depuis des décennies, pour prévenir un péril imminent résultant d’une atteinte grave à l’ordre public. Depuis cette date, la persistance reconnue de ce péril imminent a conduit le Gouvernement à proposer au Parlement de proroger l’état d’urgence par périodes successives.

L’état d’urgence est un régime temporaire, activé dans des circonstances exceptionnelles pour faire face à un péril imminent et justifiant, pour cette raison et pour une durée limitée, de renforcer les pouvoirs confiés à l’autorité administrative pour garantir l’ordre et la sécurité publics, en limitant de manière proportionnée l’exercice de certaines libertés publiques.

Si le péril imminent prend un caractère durable, en particulier avec le développement de nouvelles formes de terrorisme, il devient nécessaire, pour tenir compte de cette appréciation de la menace, de doter l’Etat de nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme, en réservant les outils de l’état d’urgence à une situation exceptionnelle.

Ainsi, parallèlement aux prorogations de l’état d’urgence intervenues depuis février 2016, plusieurs dispositions législatives ont été adoptées afin de renforcer les capacités du pays à lutter contre le terrorisme en dehors du cadre spécifique de l’état d’urgence.

Ces lois ont utilement renforcé les moyens de droit commun de lutte contre le terrorisme, que ce soit dans sa dimension pénale ou par la prévention des actes de terrorisme ; cependant la permanence et l’évolution des modes d’action utilisés lors des derniers attentats perpétrés sur le sol national conduisent à devoir adapter les réponses qui peuvent y être apportées.

Tel est l’objet du présent projet de loi.

Le chapitre Ier regroupe un ensemble de dispositions renforçant la prévention d’actes de terrorisme en créant dans le droit commun des outils adaptés à la lutte anti-terroriste contemporaine. Le recours à ces mesures en droit commun est étroitement encadré par des critères stricts relatifs aux personnes susceptibles d’en faire l’objet et conditionné par le respect de l’unique finalité de la prévention d’actes de terrorisme.

L’article 1er confie au préfet la compétence pour instaurer des périmètres de protection permettant d’assurer la sécurité de lieux ou d’événements soumis à un risque d’actes de terrorisme à raison de leur nature ou de l’ampleur de leur fréquentation. Les récents attentats, notamment celui commis le 22 mai 2017 à Manchester ou celui commis le 3 juin 2017 à Londres, montrent l’utilité de telles mesures pour sécuriser des lieux exposés à la menace terroriste.

Les « zones de protections ou de sécurité » ont démontré leur utilité pour assurer la sécurité des espaces de la COP 21, des fans zones de l’Euro 2016 ou encore de marchés de Noël et d’autres événements festifs, sportifs ou culturels. Dans le contexte d’une menace terroriste qui se maintient durablement, il est indispensable de pouvoir, le cas échéant, établir de tels périmètres de protection à de strictes conditions.

A la différence des zones de protection ou de sécurité de l’état d’urgence, dont la justification est en partie fournie par la déclaration même de l’état d’urgence ainsi que par les circonstances propres à la zone à protéger, le périmètre de protection que le préfet peut établir en application des dispositions prévues à cet article ne concerne, dans un contexte de menace élevée et diffuse, que des lieux ou des évènements soumis à un risque d’actes de terrorisme à raison de leur nature même ou de l’ampleur de leur fréquentation, qui en font des cibles privilégiées.

Au sein de ce périmètre de protection, le préfet peut réglementer l’accès, la circulation et le stationnement des personnes, afin de pouvoir organiser, de manière très pratique, le filtrage des accès au périmètre protégé. Ce filtrage doit permettre de procéder à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle voire à la fouille des bagages, afin de s’assurer que les personnes entrant dans le périmètre ne portent ou ne transportent pas d’armes et ne représentent pas de danger. Les personnes qui refusent de s’y soumettre se voient interdire l’accès au périmètre protégé. L’arrêté définissant le périmètre prévoit les règles d’accès et de circulation des personnes dans le périmètre, en les adaptant aux impératifs de leur vie privée, professionnelle et familiale. Ces pouvoirs sont confiés aux policiers et aux gendarmes (officiers et agents de police judiciaire) ; ceux-ci peuvent également être assistés par des agents de police municipale, après accord du maire, et par des agents de sécurité privée. Ces derniers possèdent déjà, en l’état du droit, des pouvoirs similaires à l’intérieur des bâtiments ou dans la limite des lieux dont ils ont la garde ; les périmètres de protection y sont dès lors assimilés.

L’article 2 permet au préfet de procéder, aux fins de prévenir des actes de terrorisme, à la fermeture administrative, pour une durée proportionnée aux circonstances qui l’ont motivée et qui ne peut excéder six mois, des lieux de culte dans lesquels les propos qui sont tenus, les idées ou théories qui sont diffusées ou les activités qui se déroulent, provoquent à la commission d’actes de terrorisme en France ou à l’étranger, incitent à la violence, ou font l’apologie de tels actes.

Afin d’encadrer l’exercice de ce pouvoir, conformément aux exigences conventionnelles et constitutionnelles, une procédure contradictoire préalable est prévue, ainsi qu’un délai d’exécution, qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures, permettant d’introduire un recours en référé devant le juge administratif. Ce recours étant suspensif le temps que le juge administratif statue ou informe les parties qu’une audience publique n’aura pas lieu, cette disposition assure une conciliation équilibrée entre les nécessités du maintien de l’ordre public et les libertés de réunion et d’exercice du culte.

L’article 3 établit des mesures de surveillance que le ministre de l’intérieur peut prendre, aux fins de prévenir des actes de terrorisme, à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics, qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme soit soutient ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes. Le ministre de l’intérieur peut imposer à ces personnes, en tout ou partie, un ensemble d’obligations définies par le projet de loi.

Ces obligations s’inspirent en partie de celles que la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a prévu pour assurer le contrôle administratif des personnes de retour sur le territoire national après s’être rendues ou avoir tenté de rejoindre un théâtre d’opérations de groupements terroristes.

Le ministre de l’intérieur peut d’abord imposer à la personne de ne pas se déplacer à l’extérieur d’un périmètre géographique déterminé, qui ne peut être inférieur à la commune, sans pouvoir, à la différence de la mesure d’assignation à résidence de l’état d’urgence, l’astreindre à demeurer dans un lieu déterminé pendant une partie de la journée. La délimitation de ce périmètre doit permettre à l’intéressé de poursuivre sa vie familiale et professionnelle, le cas échéant dans d’autres communes ou d’autres départements que ceux de son lieu habituel de résidence. Cette mesure peut être assortie de l’obligation de se présenter au maximum une fois par jour aux services de police ou aux unités de gendarmerie et de déclarer son lieu d’habitation et tout changement de ce dernier. L’intéressé peut être dispensé de cette obligation de présentation s’il accepte d’être placé sous surveillance électronique mobile. Ce placement, subordonné à l’accord écrit de la personne concernée, permet à tout moment à l’autorité administrative de s’assurer à distance que la personne n’a pas quitté le périmètre défini.

S’il ne fait pas application des articles L. 228-2 et L. 228-3 nouveaux du code de la sécurité intérieure, le ministre de l’intérieur peut imposer des obligations de déclaration du domicile ou de signalement des déplacements à l’intérieur d’un périmètre ne pouvant être plus restreint que le territoire d’une commune. Enfin, le ministre de l’intérieur peut imposer à l’intéressé deux autres obligations visant à faciliter sa surveillance et à limiter la menace qu’il représente : déclaration des numéros d’abonnement et identifiants techniques de tout moyen de communication électronique ; interdiction de se trouver en relation avec certaines personnes dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité publique.

Le prononcé de ces mesures est entouré de garanties, tenant à la motivation des décisions, à la possibilité de présenter des observations après leur notification et à l’intervention du juge administratif pour en contrôler la légalité.

L’article 4 prévoit la possibilité pour le préfet de faire procéder, sur autorisation du juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris statuant en matière non répressive, à une visite de tout lieu pour lequel il existe des raisons sérieuses de penser qu’il est fréquenté par une personne répondant aux mêmes critères que ceux définis à l’article précédent, toujours aux fins de prévenir des actes de terrorisme. Cette visite peut s’accompagner de la saisie de documents, objets ou données qui s’y trouvent.

Cette possibilité est subordonnée à l’information du procureur de la République de Paris afin de ne pas interférer avec d’éventuelles procédures judiciaires en cours, dès lors que la visite décidée par le préfet n’est que subsidiaire par rapport à celles décidées par l’autorité judiciaire dans le cadre d’enquêtes pénales. Elle est en outre soumise à l’autorisation du juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris, sous l’autorité et le contrôle duquel est placé l’ensemble de l’opération. Lorsque ces visites amènent la découverte d’éléments rendant nécessaire une visite dans un lieu distinct, le juge des libertés et de la détention peut de nouveau être sollicité afin de délivrer une nouvelle autorisation, éventuellement par tout moyen en cas d’urgence. Le juge est en outre informé de la retenue sur place de la personne visée par la visite, lorsqu’elle est susceptible de fournir des renseignements sur les objets, documents et données présents sur le lieu de la visite ; il donne son accord exprès à la retenue lorsqu’elle concerne un mineur. Il autorise enfin la saisie de documents, objets ou données.

Le juge des libertés et de la détention compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris, afin qu’il puisse dialoguer plus facilement avec le procureur de la République près le même tribunal, doté d’une compétence nationale et concurrente en matière de terrorisme au titre de l’article 706-17 du code de procédure pénale. Lorsque la visite a lieu dans le ressort d’un autre tribunal, ce juge peut délivrer une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel s'effectue la visite, afin que celui‑ci assure le contrôle du déroulement des opérations.

Comme pour tous les régimes de visites ordonnées en dehors d’une procédure judiciaire, la personne concernée peut contester à la fois l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la visite et la régularité de son déroulement, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale.

L’exploitation des données informatiques contenues dans un équipement présent sur les lieux de la visite est également soumise à l’autorisation du juge des libertés et de la détention, la procédure conciliant à la fois les exigences de rapidité de l’accès des services aux données saisies et les droits des personnes concernées.

Les articles 5 et 6 adaptent au droit de l’Union européenne et pérennisent le système de suivi des données des passagers des voyageurs aériens, permettant aux services de sécurité et de renseignement de les utiliser pour diverses finalités, notamment la prévention et la détection des infractions terroristes.

La France s’est en effet dotée de plusieurs traitements de données à caractère personnel en vue d’exploiter les données de réservation ou données « PNR » (Passenger Name Record) ainsi que les données d’enregistrement ou données « API » (Advanced Passenger Information) des passagers aériens, transmises par les transporteurs et par les opérateurs de voyage ou de séjour affrétant tout ou partie d’un aéronef.

Les données « PNR » sont des informations déclaratives fournies par une personne, un organisme ou une agence de voyage afin de réserver un voyage auprès d’un transporteur aérien. Les données « API » sont les données recueillies par les transporteurs aériens lors de l’enregistrement et l’embarquement du voyageur.

En premier lieu, les articles L. 232-1 à L. 232-6 du code de la sécurité intérieure ont autorisé le ministre de l’intérieur à mettre en œuvre des traitements des données « API » et « PNR », lorsqu’elles sont recueillies à l’occasion de déplacements internationaux en provenance ou à destination d’Etats n’appartenant pas à l’Union européenne, afin d’améliorer le contrôle aux frontières, de lutter contre l’immigration clandestine et de prévenir et réprimer des actes de terrorisme et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. Sur ce fondement a été créé le traitement de données dénommé SETRADER (système européen de traitement des données d’enregistrement et de réservation) par arrêté du 11 avril 2013.

En second lieu, sur la base de l’article 17 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire, codifié à l’article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure, le « système API-PNR France » a été créé par un décret du 26 septembre 2014 pour permettre l’utilisation des données de réservation (« PNR ») ainsi que des données d’enregistrement et d’embarquement (« API ») des passagers aériens de l’ensemble des vols à destination et en provenance du territoire national, à l’exception de ceux reliant deux points de la France métropolitaine. Sont donc concernés l’ensemble des vols extra et intra-européens ainsi que les vols en provenance et à destination des départements et collectivités d’outre-mer. Les obligations de transmission de données pesant sur les transporteurs aériens ont été élargies aux voyagistes en 2015.

Le système a pour finalités la prévention et la constatation des actes de terrorisme, des infractions pour lesquelles un mandat d’arrêt européen peut être exécuté et des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, ainsi que le rassemblement des preuves et la recherche des auteurs de ces infractions. Il a été prévu à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2017, dans l’attente de l’adoption d’une directive européenne en la matière.

Après des années de négociation, la directive (UE) 2016/681 relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (PNR) pour la prévention et la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité, ainsi que pour les enquêtes et les poursuites en la matière (dite « directive PNR ») a été adoptée le 21 avril 2016. En application de cette directive, les transporteurs aériens qui proposent des vols entre un pays tiers et le territoire d’au moins un Etat membre de l’Union européenne seront contraints de communiquer les données « PNR » aux autorités compétentes de cet Etat membre.

Bien que le « système API-PNR France » ait été construit sur la base de la proposition de la directive en cours de discussion, le cadre législatif national des traitements de données recueillies à l’occasion de déplacements internationaux doit être ajusté et complété pour satisfaire à l’obligation de transposition de la directive avant le 25 mai 2018.

En premier lieu, l’article 5 supprime la limitation au 31 décembre 2017 de la validité des dispositions de l’article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure qui constituent la base légale de ce système.

En second lieu, le I de l’article 6 adapte les dispositions de l’article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure sur lesquelles est fondé le traitement SETRADER, qui collecte et traite en réalité uniquement les données « API » et les exploite notamment pour l’amélioration du contrôle aux frontières et la lutte contre l’immigration irrégulière, finalité pour laquelle la directive ne prévoit pas l’utilisation des données « PNR ». Afin de se conformer à la réalité opérationnelle et de limiter aux seules données « API » les données collectées et exploitées par ce traitement, l’article L. 232-1 du code de la sécurité intérieure est modifié pour supprimer la référence aux données « PNR », c’est-à-dire aux données enregistrées dans les systèmes de réservations des transporteurs.

En troisième lieu, la directive 2016/681 prévoit que les données « PNR » peuvent en particulier être traitées à des fins de prévention et de détection des formes graves de criminalité en renvoyant à une liste d’infractions énumérées à son annexe II, qui sont passibles d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté d’une durée maximale d’au moins trois ans au titre du droit national d’un Etat membre. Le 1° du II de l’article 6 renvoie donc directement à cette annexe pour définir les infractions pour la prévention et la répression desquelles les données « PNR » peuvent être utilisées.

En dernier lieu, les 2° et 3° du II de l’article 6 complètent la liste des personnes ou organismes assujettis à l’obligation de transmission des données « PNR » pour y soumettre, comme la directive 2016/681 le permet, l’ensemble des opérateurs fournissant un service de réservation de vols aériens et disposant de ces données. Ainsi, outre les opérateurs de voyage ou de séjour, déjà mentionnés à l’article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure, sont expressément prévues les agences de voyage, qui relèvent du même régime juridique national prévu aux articles L. 211-1 et suivants du code du tourisme.

L’ article 7 modifie le code de la sécurité intérieure pour créer, selon des modalités appropriées à ses spécificités, un système national de centralisation des données des dossiers passagers du transport maritime à destination ou au départ de la France, distinct du système « PNR » concernant les passagers du transport aériens, toujours afin de prévenir et de détecter les infractions terroristes. L’exploitation par les services de sécurité, avant l’appareillage du navire, des données d’enregistrement des passagers collectées par les exploitants de navire, permettra de contribuer à prévenir des actes de terrorisme. Le nouveau dispositif doit aussi permettre de disposer des données des passagers des traversées reliant deux points du territoire métropolitain, afin notamment de pouvoir contrôler les traversées Corse-continent, et le cas échéant toute traversée transnationale présentant un fort facteur de risque. Les navires concernés sont uniquement ceux qui répondent au code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS).

Le chapitre II relatif aux techniques de renseignement comprend les articles 8 et 9 qui instaurent un nouveau régime légal de surveillance des communications hertziennes, pour tirer les conséquences de la décision n° 2016-590 QPC du 21 octobre 2016 par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré, avec effet différé au 31 décembre 2017, les dispositions de l’article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure qui permettent aux pouvoirs publics de prendre, à des fins de défense des intérêts nationaux, des mesures de surveillance et de contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne, dont l’utilité opérationnelle est majeure, notamment dans le domaine militaire et pour la prévention du terrorisme et des ingérences étrangères.

Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est modifié pour permettre aux services de renseignement d’intercepter et d’exploiter les communications électroniques empruntant la voie exclusivement hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques exploitant un réseau ouvert au public dans un cadre légal doté des garanties appropriées. La définition restrictive de ces communications garantit que l’ensemble des mesures d’interception et d’exploitation des communications n’empruntant qu’accessoirement la voie hertzienne demeure soumis aux dispositions du livre VIII du code de la sécurité intérieure, applicables aux techniques de renseignement et aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales.

L’article L. 852-2 nouveau du code de la sécurité intérieure crée ainsi une nouvelle technique de renseignement pour l’interception et l’exploitation de correspondances échangées au sein d’un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques, lorsque ce réseau est conçu pour une utilisation privative par une personne ou un groupe fermé d’utilisateurs. Ces mesures, du fait du caractère privatif du réseau, sont susceptibles de porter atteinte au droit au respect de la vie privée des personnes concernées et au secret des correspondances. Soumises à une autorisation préalable prise après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, elles sont entourées de l’ensemble des garanties applicables dans le régime général régissant les techniques de renseignement.

L’article L. 853-2 est modifié à la marge afin de clarifier son champ d’application, qui couvre la captation de données informatiques émises ou reçues par tout type de périphérique, anticipant en cela les évolutions techniques dans ce domaine. Les garanties particulièrement fortes applicables à cette technique de renseignement régiront ainsi certaines formes de surveillance des communications hertziennes.

Pour l’interception et l’exploitation des communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques, lorsque cette interception et cette exploitation n’entrent dans le champ d’application d’aucune des techniques de renseignement prévues par les chapitres I à IV, le chapitre V du titre V prévoit, à titre résiduel, un régime d’autorisation par la loi (article L. 854‑9‑1).

Destinée à la surveillance de communications qui ne sont pas échangées à titre confidentiel ou privé, faute d’être diffusées au sein d’un réseau fermé d’utilisateurs, cette autorisation est néanmoins assortie d’une durée limitée de conservation des données recueillies (article L. 854-9-2). Le contrôle de ces mesures est assuré par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement qui pourra veiller, notamment, selon des modalités définies par l’article L. 854-9-3, au respect du champ de l’autorisation conférée par la loi.

L’article L. 2371-1 du code de la défense autorise les militaires des armées, qui font partie des « pouvoirs publics » actuellement mentionnés à l’article L. 811-5, à procéder également à l’interception et à l’exploitation des communications empruntant la voie exclusivement hertzienne et n’impliquant pas l’intervention d’un opérateur de communications électroniques exploitant un réseau ouvert au public dans le cadre de la défense militaire (dissuasion, posture permanente de sûreté aérienne, posture permanente de sauvegarde maritime) ou de l’action de l’État en mer.

Enfin l’article L. 2371-2 du code de la défense prévoit que le service chargé de la qualification des appareils et dispositifs techniques employés par les forces armées dispose lui aussi, pour l’exercice de cette mission, de l’autorisation légale prévue pour les militaires, réservée toutefois à la seule activité d’interception.

Le chapitre III relatif aux contrôles dans les zones frontalières comprend l’ article 10 qui élargit les possibilités de contrôle dans les zones frontalières intérieures et extérieures, y compris autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international, afin de mieux contrôler l’immigration et prévenir les actes de terrorisme et s’inscrit dans un objectif d’efficacité renforcée des mesures compensatoires à la libre circulation, principe fondateur de la construction européenne. Concrètement, il s’agit de mettre en œuvre un dispositif pérenne, respectueux des exigences résultant du règlement européen portant code frontières Schengen, dans un contexte où les impératifs de sécurité publique ne sauraient être garantis par le seul recours temporaire au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures.

Aux termes du neuvième alinéa de l’article 78-2 du code de procédure pénale actuellement en vigueur, ces contrôles peuvent être effectués, notamment, dans une bande de vingt kilomètres le long des frontières intérieures, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, des aéroports et des gares ferroviaires et routières ouverts au trafic international désignés par arrêté.

Les objectifs aujourd’hui particulièrement prégnants de sécurité publique, sur la responsabilité desquels la Commission européenne a insisté à l’adresse des Etats membres, s’imposent dans les zones frontalières intérieures et extérieures.

Les 1° et 2° du I modifient le neuvième alinéa de l’article 78-2 relatif aux possibilités de contrôle dans la zone frontalière intérieure.

Le 1° élargit le périmètre de contrôle dans cette zone. La zone frontalière de vingt kilomètres le long des frontières intérieures, instituée par le législateur en 1993, est maintenue, de même que la possibilité de contrôle dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international désignés par arrêté interministériel. Le 1° élargit les possibilités de contrôles aux abords de ces gares, compte tenu de la nécessité de pouvoir exercer ces mêmes contrôles dans leur environnement immédiat.

Le 2° étend la durée du contrôle. Celle-ci doit être limitée, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui prohibe la permanence des contrôles afin qu’ils n’aient pas d’effet équivalent à une vérification systématique à la frontière. Toutefois, l’actuelle durée de six heures, fixée par le législateur dans la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, pour tirer les conséquences de cette jurisprudence, est, dans le contexte actuel, beaucoup trop courte pour permettre aux services de sécurité intérieure d’assurer efficacement leur mission de prévention des flux criminels transfrontaliers à proximité des frontières intérieures. Aussi doit-elle être portée à un maximum de douze heures consécutives de présence dans un même lieu. Ces dispositions respectent pleinement l’exigence, posée par l’article 23 du code frontières Schengen et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, d’un encadrement législatif suffisant.

Le 3° du I insère un alinéa nouveau, sous l’alinéa 9 de l’article 78-2 du code de procédure pénale, pour encadrer les possibilités de contrôle dans la zone frontalière extérieure. Cette disposition prend en compte les risques spécifiques en termes de sécurité publique attachés à la proximité des points de passage frontaliers les plus importants et sensibles, dont la désignation sera opérée par arrêté ministériel au regard de l’intensité du trafic et de leur vulnérabilité en termes de sécurité publique. La définition d’une zone de contrôle dans un rayon maximal de vingt kilomètres autour de ces points de passage frontaliers est cohérente avec la sensibilité de ces périmètres à la criminalité transfrontalière, qui y justifie un contrôle de toute personne dans les mêmes conditions qu’à proximité des frontières intérieures.

Le II modifie, en coordination, l’article 67 quater du code des douanes.

L’ article 11 constitue l’unique article du chapitre IV contenant les dispositions adaptant les mesures de ce projet de loi aux outre-mer.

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